Lycée : au secours Darcos revient !

lundi 16 novembre 2009


N. Sarkozy avait fait une présentation lénifiante d’une réforme du lycée en 6 points mi-octobre : pas de moyens supplémentaires mais des charges nouvelles pour les enseignants (ce qui aboutit concrètement à un alourdissement de leurs tâches), quelques gadgets pour plaire aux parents… et ne pas déplaire aux lycéens, réels tombeurs de la loi Darcos.

Mais, devant les demandes d’une « vraie réforme » de la part de syndicats « réformistes » (SGEN-CFDT, SE-UNSA), le ministère en profite pour réintégrer des pans entiers du « lycée Darcos », pourtant repoussé l’an dernier.

Doit-on être rassuré par ces syndicats qui avaient approuvé les coupes sombres et les réformes réactionnaires en LP et 1er degré, et qui après coup dénoncent les « trahisons du ministère », sur le bac pro en 3 ans par exemple ?

Sont ainsi réintroduites la marchandisation des choix de matières, qui obligera les enseignants à se vendre, la flexibilité des horaires.

S’installe aussi la mécanique des futures suppressions de postes : suppression des « spécialités à faible flux » (notamment dans les bacs technologiques), tronc commun aux trois bacs généraux en 1re qui pourrait permettre de regrouper des élèves… Il faudra bien trouver les 20 000 postes à supprimer par an.

Dans ce contexte l’autonomie décrétée des établissements et des équipes pédagogiques risque fort d’être un piège quand il faudra surtout gérer la réduction des moyens : déjà dès la rentrée 2010, ce seront les profs eux-mêmes qui devront assumer la suppression de dédoublements pour mettre en place l’accompagnement et le tutorat.

Attention danger ! Et défense dès le 24 novembre dans la rue !

Comme dans le projet Darcos, les profs devront séduire les élèves pour sauver leurs heures
Ainsi en 2de, l’élève choisira deux enseignements de spécialité d’1 h 30 hebdomadaire parmi dix proposés. Gare aux matières austères ou « inutiles » !

L’autonomie des établissements et des équipes pédagogiques est proclamée, sans nul doute pour éviter les contestations frontales
Cela permettra aux chefs d’établissement de continuer sur la voie de l’ « expérimentation » : flexibilité des horaires en semestres, stages pendant les vacances ou le samedi et une série de mesures qui vont dégrader encore davantage les conditions de travail.

Les équipes pédagogiques se voient attribuer la responsabilité de « projets » dont les objectifs pédagogiques ou éducatifs sont flous, mais qui devront très concrètement proposer où et comment sucrer des dédoublements et des heures ! Ambiance assurée et fiction totale d’une réelle liberté de manœuvre.

Réorientation en cours de 1re
Théoriquement intéressante, elle renforcera encore l’éjection de la filière S, cette fois en cours d’année ! En effet, les maths ne sont pas dans le tronc commun…
Et ce ne sont pas des stages de vacances qui permettront un rattrapage efficace.

Quel avenir pour la voie technologique ?
Une fois de plus, celle-ci (qui assure plus du tiers des réussites au bac et la promotion de beaucoup de jeunes de milieux défavorisés) est la parente pauvre.
Rénovation certes des STI : prévue depuis plus de 10 ans, elle risque d’entériner la disparition massive de sections dans les « spécialités à faible flux ».
Pour le reste, que du flou.

Le calendrier de la réforme : 2de en 2010, 1re en 2011 et terminale en 2012.

Informations collectées auprès du ministère au 19 novembre

Accompagnement des élèves
- pour chaque élève deux heures hebdomadaires obligatoires d’accompagnement personnalisé de la 2de à la Terminale, pris sur les les horaires de dédoublement des enseignements disciplinaires (sauf ECJS)
 aide, perfectionnement ou des travaux en autonomie qui reprendra des pratiques des modules et de l’aide individualisée : aide aux élèves, accompagnement vers l’autonomie (prise de parole, TPE...)
 TPE maintenus en 1re
 en 2nde et 1re, l’accompagnement « est organisé de manière transversale »
 en terminale, il est mis en œuvre dans les enseignements de spécialisation
 établissements  : gérer la répartition des heures d’accompagnement personnalisé et de dédoublement, leur contenu serait cadré nationalement
 l’équipe pédagogique définira un projet de répartition et d’organisation des 2 heures
 « Le projet pédagogique arrêté pour l’utilisation de ces heures peut prévoir un cadre autre qu’hebdomadaire » : retour de la semestrialisation…
 soumis et validé par le conseil pédagogique (décret d’application de la loi de 2005 qui clarifiera ses missions mais ne reverra pas sa composition)
 heures d’accompagnement inscrites dans les emplois du temps des enseignants (volontaires ?)
Tutorat
- mis en place « à la demande des élèves »
 assuré par les enseignants, les documentalistes
 Le tuteur suivrait 12 à 15 élèves tout au long de leur parcours au lycée
 rémunérée par une indemnité, ne rentrerait pas dans le service normal des enseignants
Soutien scolaire
- stages de remise à niveau proposés par le conseil de classe durant l’année ou les vacances, ou encore « des après-midi ou des samedis »
 stages passerelles pour les élèves qui souhaitent changer de série. Ces stages de 2 semaines « ne sont pas imposés aux élèves »
Classe de seconde
- l’horaire élève, accompagnement inclus, serait maintenu à 28H30 hebdomadaires (39 h prof)
 tronc commun : français 4 h, histoire-géo 6, langues 5 h30 (pour les deux langues), maths 4, physique-chimie 3, SVT 1 h 30, EPS 2, ECJS 30 min
 2 x 1 h 30 d’enseignements d’exploration (dont au moins SES ou économie-gestion). Les autres sont SMS, biotechnologies, physique et chimie de laboratoire, littérature et monde contemporain, sciences de l’ingénieur, méthodes et pratiques scientifiques, conception de produits industriels, arts (danse etc.)
 2 h d’accompagnement personnalisé
 les établissements pourront organiser ces enseignements de manière semestrielle (3h hebdo pendant un semestre)
 enseignements d’exploration mis en œuvre dès la rentrée prochaine (programmes « ajustés » en 2010, nouveaux programmes en 2011), pour « découvrir un nouveau domaine de la connaissance et des perspectives possibles de parcours, sans pour autant constituer des pré requis pour la classe de première »
 certaines disciplines (LV3, langues anciennes, EPS, arts du cirque) seront maintenues au format actuel
 des stages en entreprise pourront avoir lieu dans l’année scolaire
 le risque est que les disciplines technologiques, artistiques et les SES (qui passent de 3h à 1h30) paient le prix fort en terme de suppression de moyens
Cycle terminal
- en première : 24 h 30 de cours + 2h d’accompagnement
 tronc commun pour 60 % des enseignements (15 h) : français 4 h, histoire-géo 4 h , LV1 et 2 4 h 30, EPS 2 h, ECJS 30 min
 enseignement de spécialisation pour 40% (9 h 30) spécifiques à chacune des séries S, ES et L
 les matières du tronc commun feront l’objet d’un programme commun pour toutes les filières pour faciliter le changement de voie pour les élèves qui le souhaiteraient avec l’accord du conseil de classe
 une épreuve anticipée serait créée en première dans toutes les séries générales pour ces matières
 histoire-géo : les programmes de seconde et première reprendraient les actuels de 1re et terminale, la terminale bénéficiant de programmes spécialisés (en TS une heure par semaine ?)
Rééquilibrage des séries
Série ES :
 SES : séparation enseignement social et enseignement économique
 en 1re, enseignement de spécialité : maths 3 h, sciences 1 h 30, SES 5 h
 terminale : philo 4 h, histoire géo 4 h, maths 4 h, LV1 et 2 4 h, EPS 2 h, ECJS 30 min
 enseignement de spécialité : 1 h 30, au choix sciences sociales ou maths appliquées

Série L :
 en 1re, enseignement de spécialité : littérature 2 h, littérature étrangère en langue étrangère 2 h, sciences 1 h 30, 3 h au choix entre arts, arts du cirque, maths, LV3, approfondissements langues, langues anciennes
 en terminale : philo 8h, histoire 4h, LV1 et 2 4 h, EPS 2 h, ECJS 30 min, littérature 2 h, littérature étrangère 1h30.
 enseignement de spécialité : 3 h, au choix dans arts, maths, approfondissement de langues, droit et « grands enjeux du monde contemporain » (droit, économie, sciences sociales, international)
 l’histoire-géo évoluerait comme en série ES

Série S :
 niveau en sciences renforcé (maths hors du tronc commun)
 1re enseignement de spécialité : maths 4h, sciences 6h. A cela s’ajoutent les TPE (1h)
 spécialisation : « informatique et société du numérique » 2 h
 terminale : philo 3 h, langues 4 h, EPS 2 h, ECJS 30 min, maths 6 h , physique 5 h , SVT ou sc de l’ingénieur 3 h 30 ,
 spécialité : 2 h entre maths, physique, svt, informatique et sciences du numérique
 l’histoire géo est optionnelle (2h)

Séries technologiques :
 STI et STL sont rénovées à la rentrée 2011
 ne dit pas comment évolue la filière STG.
 pas de tronc commun partagé avec les séries générales

terminale voit un enseignement différencié. En S, on trouve 3h de philosophie, 4 de langues, 2 d’eps, 0h30 d’ecjs, 6h de maths, 5h de physique, 3h30 de SVT ou sc de l’ingénieur, 2 h de spécialité (maths, physique, svt, informatique et sciences du numérique). L’histoire géo est optionelle (2h). En ES, la . En série L, la philosophie passe à 78h, histore 4h, LV 1 et 2 en 4 h, eps 2h, ecjs 0,30, littérature 2h, littérature étrangère 1h30. Suivent 3h d’enseignement de spécilaité : arts, maths, approfondissement de langues, droit et grands enjeux du monde contemporain.
Langues
- horaires de LV1 et LV2 globalisés pour faciliter l’enseignement par groupes de compétences
 enseignements en langue étrangère proposés dans toutes les séries
 La série L devient « série de l’excellence linguistique ». L’enseignement est « complété par une approche plus culturelle des langues avec un enseignement de littérature étrangère en langue étrangère »
 possibilité d’apprendre 3 langues
 chaque établissement doit nouer un partenariat avec un établissement étranger
Vie lycéenne
- un « référent culture » est choisi dans le lycée
 un enseignement d’histoire des arts a lieu dans tous les niveaux du lycée avec l’aide de tous les enseignants
 refonte des textes relatifs à l’expression lycéenne et relance de la formation des délégués
 l’engagement des élèves serait encouragé et valorisé dans le dossier scolaire

Commentaires

  • Un tronc commun 100% littéraire en première, toutes séries confondues...
    Les sciences sont vraiment mises à mal !

    Pourquoi la maîtrise des langues vivantes devrait-elle surpasser la culture scientifique ? Que l’on fasse en sorte que nos élèves maîtrisent les bases de leur langue natale et sachent aligner correctement trois mots en français et ce sera un bon début...

    On diminue le volume horaire des sciences en 1èreS de 3H30 !
    Comme ça nous nous créons l’illusion que les 1èreL, même plus obligés de suivre une seule heure de science ou de maths je le précise, pourront s’orienter en TS !
    On ne les oblige plus à faire un tout petit peu de sciences, mais on leur offre la possibilité de choisir « art du cirque » ! Merveilleux non ?

    En revanche, on renforce le volume horaire littéraire des 1èreS de deux heures, notamment avec de l’histoire géo. Ils seront obligés de suivre 4H30 de cette matière !
    C’est très bien l’histoire géographie mais que fait-on des grands enjeux scientifiques du moment ? L’énergie, le climat...

    Bref, on rend la filière S plus généraliste (avec un bon tronc commun littéraire) et la filière L bien plus spécialisée (sans imposer la moindre culture scientifique).

    Pas difficile d’imaginer que les élèves vont encore s’orienter massivement en S, bien plus même, indépendamment de leur volonté de faire ou non des sciences plus tard.

    L’annonce de la réforme est toute récente mais je vous pronostique que c’est une bombe en puissance qui va faire des ravages dans les mois qui arrivent....

    • Pour nous cette « réforme » est très négative puisque son propos principal est de permettre des réductions massive de moyens à terme.

      Ainsi du tronc commun qui permettra de regrouper des élèves dans des classes surchargées.

      D’autre part, il amène une logique « collège unique » sans remédiation (des stages de vacances ne la permettront pas), qui va démotiver les élèves car ceux-ci n’auront pas les temps d’approfondissement nécessaires dans les matières qu’ils choisissent, ce qui rejoint votre réflexion sur les sciences.

      Cependant, une remarque pour les réorientations : le mécanisme retenu va bien rendre possible des réorientations en cours d’année d’un élève de S vers ES ou L, mais certainement pas de ES ou de L vers S puisque les maths sont en dehors du tronc commun.

      On va donc encore renforcer le statut de voie royale des S, mais en mélangeant effectivement des élèves dont tous ne veulent pas être scientifiques.

  • Il y a ça aussi :

    « # Une plateforme de vidéos à la demande permet de diffuser, au sein même de l’établissement, les grandes oeuvres du patrimoine cinématographique.
    # Des séances de cinéma sont organisées dans tous les lycées, plusieurs fois par mois, en fin de journée ou les week-ends.
    # Ces séances contribuent à l’éducation à l’image et à la transmission d’une culture cinématographique commune. »

    Deux questions me viennent à l’esprit :
    1) Qui c’est qui va passer avec le plateau à esquimaux ?
    2) Peut on considérer « Bienvenue chez les Chti » comme une grande œuvre du patrimoine cinématographique ?

    En dehors de cela, plus de maths en 1L... Quel élève sera assez stupide pour passer d’une 1L ou 1ES pour aller en S ? Rattraper les cours de maths en 2 semaines...

    • vidéos à la demande permet de diffuser, au sein même de l’établissement, les grandes œuvres du patrimoine cinématographique...

      Toutes ces annonces relèvent du plus pur marketing politique qui sert désormais de discours à ces gouvernants. Du gadget vide de sens qui ne prend bien sûr pas en compte les logiques pédagogiques : forcément lentes, qui demandent des temps d’appropriation, de construction collective...

      Ils témoignent aussi du vide culturel de ces même gouvernants (syndrome de la princesse de Clèves).

  • J’espère de tout coeur que les professeurs de sciences vont se mobiliser fortement.

    Rien que pour les sciences physiques, 30 min de moins en seconde, c’est passer de 2H de cours à 1H30, dans l’hypothèse où ils ne toucheraient pas aux TPs.
    Tout le programme va devoir être réécrit en l’espace d’une poignée de mois ! Et ceci en gardant bien à l’esprit que le programme de 1èreS sera fortement amputé. En si peu de temps, réaliser un semblant de programme est impossible.

    Et alors passer de 4H30 à 3H de sciences physiques en 1re S, bonjour la baisse de niveau programmée... Sans parler des suppressions de postes que cela va engendrer.

    Je croyais que l’on voulait mieux préparer les élèves aux études supérieures mais les universités vont devoir également alléger leurs programmes et aborder des notions jusqu’à présent vues en lycée...

    A ce tarif, va-t-il falloir aller jusqu’à bac +10 pour avoir un niveau décent ?

    Pour reprendre ce que vous avez dit : « le mécanisme retenu va bien rendre possible des réorientations en cours d’année d’un élève de S vers ES ou L, mais certainement pas de ES ou de L vers S puisque les maths sont en dehors du tronc commun. », j’irai même plus loin :

    Même si les maths étaient imposés aux L, il faut bien savoir que le programme de maths actuel des 1èreL n’a absolument rien avoir avec celui des 1èreS ! En 1èreL, ils font par exemple des pourcentages censés être maîtrisés depuis belle lurette au collège. S’ils prennent l’option « sciences », on peut imaginer qu’ils feront ce qu’ils font actuellement : Des notions de 4e, bien loin du niveau enseigné en sciences physiques en S.

    C’est suffisant et intéressant s’ils souhaitent faire des études de lettre mais la passerelle 1èreL / 1èreS est impossible, je suis catégorique sur le sujet.

    Ce qui est honteux, c’est de donner des illusions en cassant, en allégeant un maximum l’enseignement scientifique des S.
    C’est une forme de suicide, d’atrophie scientifique de notre pays.

    Au nom de la sacro sainte égalité des chances, on nivelle par le bas afin de permettre au plus grand nombre de suivre mais c’est illusoire. On surnote, les examens sont dans certains cas littéralement donnés et cette réforme s’inscrit dans cette voie déjà bien engagée.

    On ne défend plus la distinction par le mérite, par le courage et par le travail....
    Au lieu de renforcer les filières pour en faire toutes des filières d’excellence, on allège celles qui dérangent.