À Paris, le public séduit désormais davantage les lycéens que le privé

lundi 14 septembre 2009


Dans ce qui apparait comme un retournement de tendance, l’enseignement privé semble perdre son attractivité dans les centres urbains.

Le poids de l’enseignement privé dans l’ensemble du système éducatif n’évolue que très lentement (voir notre analyse sur le long terme). Le pourcentage global oscille dans une fourchette de 16 à 17%, notamment selon l’état de l’enseignement public : quand ses conditions se dégradent par restriction des moyens, le privé remonte car les parents veulent éviter des établissements qui se ghettoïsent.

Mais ce phénomène se constate uniquement dans quelques grandes villes (Paris, Lyon, Marseille), les variations sont beaucoup plus diverses ailleurs sur le territoire.

La situation actuelle est donc remarquable car elle intervient alors que les restrictions de moyens pour le public n’ont jamais été aussi fortes (elles existent pour le privé mais à un degré moindre), et traduit des logiques nouvelles.

Ci-dessous un article du Figaro qui illustre ces évolutions, même si pour des raisons idéologiques il en minore les explications.

Les explications avancées tiennent à l’assouplissement de la carte scolaire (mais les dérogations étaient en baisse cette année en collège) et surtout à l’appauvrissement des familles, phénomène durable, qui les amène à faire d’autres choix et à relativiser le supposé bénéfice d’une inscription dans le privé.

À Paris, cette année, 1 100 élèves scolarisés auparavant dans un collège privé ont demandé une inscription dans un lycée public alors qu’ils n’étaient qu’environ 400 les années précédentes.

Cette hausse des demandes est « sans doute liée à la crise » mais aussi à l’assouplissement de la carte scolaire, estime le recteur de Paris, Patrick Gérard. « Les parents ont compris que le système était plus transparent qu’avant, lorsque les élèves étaient choisis par les proviseurs qui s’attribuaient les dossiers dans les caves du rectorat ou étaient inscrits via un réseau de connaissances », estime-t-il.

Une augmentation des demandes émanant du privé pour s’inscrire dans le public serait également sensible à Marseille, dans les Hauts-de-Seine ou encore à Clermont-Ferrand.

De son côté, Éric de Labarre, le directeur de l’enseignement catholique, reste très prudent, faute de chiffres définitifs pour cette rentrée : « J’étais un peu inquiet au mois de juin mais pour l’instant j’ai entendu parler d’effectifs en hausse à Nantes, dans les Yvelines et à Dijon. »

L’académie de Strasbourg aurait en revanche souffert d’une petite fuite vers le public, liée à l’assouplissement de la carte scolaire, reconnaît-il. Il se dit plus attentif à une éventuelle baisse des effectifs à l’école primaire, comme l’an dernier. L’enseignement catholique avait alors perdu 5 200 élèves, un phénomène lié à « la situation financière critique d’un certain nombre de familles », freinées non pas par le coût de la scolarité, qui reste stable, mais par l’augmentation des coûts de la restauration et des transports scolaires, affirme-t-il.

Plus de boursiers dans les grands lycées

Les établissements privés sont cependant loin de se vider dans les grandes agglomérations comme Paris, où la concurrence fait rage. Car les familles ne sont pas limitées par la carte scolaire et peuvent venir de loin. « Nous refusons toujours beaucoup de demandes », affirme Éric de Labarre.

Quant aux élèves issus de collèges privés, ils n’ont pas tous réussi à intégrer l’établissement parisien public qu’ils avaient appelé de leurs vœux, d’autant plus qu’ils ne sont pas prioritaires. Sur les 109 lycées parisiens, « tout le monde souhaite aller dans les vingt mêmes », soupire-t-on au rectorat.

Or, l’assouplissement de la carte scolaire a surtout profité aux handicapés et aux boursiers, désormais prioritaires avec les nouveaux critères d’inscription. En seconde, « plusieurs lycées prisés accueillent plus de boursiers qu’ils n’en ont jamais accueillis », a annoncé le recteur, citant des établissements très demandés par les parents comme Sophie-Germain, Racine, Victor-Hugo, Chaptal, Buffon, Montaigne et Henri-IV. Sophie-Germain a 33 % de boursiers en seconde contre 25 % l’an dernier, et Henri-IV 6 %, contre 3 % à la rentrée 2008.

Marie-Estelle Pech, Le Figaro du 10/09/2009

Ces derniers jours une polémique a éclaté suite à la plainte pour « discrimination » auprès de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) de onze familles d’élèves venant du privé et qui n’ont pu être affectés dans un lycée public.
Notamment, ces enfants seraient passés après les handicapés et les boursiers.

Il est effectivement dommageable que des restrictions soient apportées à l’inscription d’enfants dans l’enseignement public.
Mais ne sont-elles pas avant tout dues au fait que le gouvernement restreint énormément les moyens ?

Par ailleurs, la priorité accordée aux handicapés et boursiers n’est pas choquante en soit : cela honore au contraire les responsables du public, alors que ces priorités ne sont pas prises en compte dans le privé, qui dénombre par exemple beaucoup moins de boursiers.

Les responsables du privé, lancés dans une communication périlleuse, tentent d’apparaître dans l’affaire comme ceux qui défendent des « discriminés » (lesquels après tout sont des partants - mécontents ? - du privé), et essaient de sauver la face en affirmant « subir » de ce fait une hausse de 2% des effectifs en lycées privés.