Recrutement et formation des enseignants : nouvelle étape dans la casse

jeudi 3 juillet 2008


Une « communication » en conseil des ministres du 2 juillet montre que l’été sera utilisé pour démonter pas mal de choses dans ce domaine.

Ce texte, qui ne site à aucun moment les IUFM (annonce en creux d’une disparition prochaine ?), confirme la refonte du recrutement des enseignants dès 2010 (1e concours).

Les enseignants, du 1er comme du 2nd degré, seraient donc recrutés au niveau bac +5, soit celui du master 2 en France et master tout court en Europe dans le cadre de l’harmonisation des enseignements supérieurs.

« Le principe de concours nationaux est réaffirmé… La distinction entre le Capes et l’agrégation est maintenue ». Le concours aurait lieu après l’obtention du master. « Tout étudiant inscrit en deuxième année de master ou ayant déjà validé celui-ci pourra donc se présenter aux nouveaux concours de recrutement ».

On peut penser que le concours de professeur des écoles pour le premier degré, non évoqué, sera lui aussi maintenu.

« Les nouveaux concours comprendront trois types d’épreuves destinées à évaluer la culture disciplinaire, la capacité à planifier et organiser un enseignement et la connaissance du système éducatif ... »

« Pour préparer les étudiants à leur futur métier, les universités proposeront des parcours de master qui devront comporter une prise de contact progressive et cohérente avec les métiers de l’enseignement. Elle pourra commencer au cours des études de licence et comprendre des stages d’observation et de pratique accompagnée en école, en collège et en lycée. »

« Dès leur première année d’exercice, les lauréats des nouveaux concours seront mis en situation d’enseignement à temps plein avec l’aide et le soutien de professeurs expérimentés. Des actions de formation spécifiques leur seront offertes en dehors du temps scolaire. A l’issue de cette année, le professeur fonctionnaire stagiaire pourra être titularisé après avoir été inspecté ».

Ci-dessous nos commentaires, une remise en perspective par SUD Education des différents chantiers ouverts, et rappel des 10 compétences que doit maîtriser un enseignant au sortir de sa formation initiale (rapport du HCE du 31/10/2006).

 Les commentaires du SUNDEP

Encore une fois il s’agit de couper dans le budget de l’éducation : 23 000 stagiaires des IUFM (en 2007, 1er degré : 13 400, 2nd degré : 9 600) se retrouveraient directement devant des classes, et ce serait autant de salaires économisés par an (déjà 3 000 ont été supprimés cette année).

Mais pour le ministère il en va aussi de la vision réactionnaire d’un prof seul transmetteur de savoirs, ignorant toutes les recherches en pédagogie et didactique.

D’après Philippe Meirieu : "Les épreuves des concours de recrutement seront organisées autour de trois types d’épreuves « destinées à évaluer la culture disciplinaire, la capacité à planifier et organiser un enseignement et la connaissance du système éducatif ».
 Où est la pédagogie là dedans ?
 Que fait-on des connaissances indispensables de psychologie de l’enfant et de l’adolescent, des apports de la sociologie qui permettent de comprendre certains aspects des difficultés scolaires des élèves ?
 Où est l’histoire des doctrines pédagogiques sans laquelle nous sommes condamnés à réinventer perpétuellement l’eau tiède ?
 Où est la philosophie de l’éducation et la réflexion éthique, le travail en équipe et avec les familles ?"

Certes les IUFM ne sont pas totalement satisfaisants, mais le choix de lancer un étudiant sans aucune préparation dans une classe conduirait à la reproduction de méthodes inadaptées … et surtout à des départs massifs d’enseignants dégoutés car très mal préparés aux réalités du métier.

Et puis chaque étape amène à la constatation d’un élément négatif supplémentaire : cette fois, on apprend que lors de leur première année d’exercice, les lauréats « bénéficieraient » d’actions de formation « offertes » en dehors du temps scolaire ...

Bien sûr, une carotte est glissée dans le paquet : « cette réforme … s’accompagnera d’une revalorisation des débuts de carrière des enseignants ». Mais aucun dispositif précis n’est proposé …

 Analyse par SUD Education des chantiers ouverts en matière de recrutement, de formation et du métier d’enseignant

Trois documents récents laissent percevoir quelles sont les orientations possibles du gouvernement quant à la disparition des statuts :
 le rapport Pochard de janvier 2008 - Chapitre II.3, Comment recruter et former les enseignants,
 le rapport Geoffroy d’octobre 2007 sur L’intégration des IUFM au sein des universités,
 le texte de la conférence des directeurs d’IUFM de novembre 2007 intitulé Certification, formation, recrutement pour les métiers de l’enseignement.

Il s’agit là de proposer des solutions radicales de transformation du système, dans le cadre affirmé d’une harmonisation européenne : objectif avoué, développer la concurrence.

1re étape : la formation

Création d’un Master professionnel “Métiers de l’Education et de l’Enseignement” au sein des universités, dont la 5e année verrait les stagiaires - pardon, les étudiants - travailler à mi-temps pendant toute l’année (NDLR : la dernière mouture va plus loin, il s’agit carrément d’enseigner à temps complet, et de se former en dehors, pendant les vacances par exemple !) dans les établissements scolaires, pour le plus grand bénéfice de l’Etat.

Il y aurait évidemment une sélection à l’entrée en Master (les directeurs d’IUFM proposent même une double sélection, à l’entrée en master 1 puis en master 2, histoire de bien développer le bachotage).

2e étape : le recrutement

A minima, ils proposent d’alléger les concours, de créer des CAPES bivalents, voire polyvalents (suite logique du Master des métiers de l’enseignement !), de régionaliser les concours du Second degré.

Mais c’est encore insuffisant ! Le rapport Pochard est explicite : on pourrait se passer de tout concours et se contenter de l’établissement d’une liste d’enseignants à recruter par l’instance locale (Rectorat, IA, BEC, circonscription du 1er degré, ce n’est pas très précis) parmi les titulaires du Master, correspondant aux besoins (enfin, à leurs besoins !).

Ou même, troisième hypothèse, la possibilité que les titulaires du master fassent acte de candidature auprès des établissements et passent un entretien d’embauche. Il faudrait cependant, ajoute Pochard sans rire, fixer des règles nationales.

L’ouverture à la concurrence s’accentue puisque les ressortissants de l’UE, titulaires d’un Master, pourraient postuler aux postes d’enseignants en France.

Dans aucun de ces rapports, le mot fonctionnaire d’Etat n’apparaît : sous quel statut seraient recrutés les futurs collègues ? Probablement en CDI pour respecter l’harmonisation européenne.

3e étape : pas de formation, pas de statut

Mais ce n’est pas assez, le rapport propose également le recrutement de “professeurs associés”, pour une durée limitée, éventuellement à temps partiel, et sans aucune condition de diplôme. Le développement de la précarité, il est vrai que le Ministère le connaît déjà…

Le rapport Pochard préconise la promotion de jeunes issus des zones difficiles, celles où les enseignants ne veulent pas rester, par l’attribution de bourses après la troisième : “On renforcerait ainsi le vivier d’enseignants issu de la promotion sociale et dont on peut espérer qu’ils constitueraient une population plus stable dans les académies fuies aujourd’hui par les néo-titulaires.” Belle perspective pour les jeunes des ghettos de s’y voir confiner dans le rôle de grands frères pompiers.

Même si le recrutement par concours est imparfait, il permet un traitement égal des candidats et garantit l’accès à la Fonction publique. Sud éducation, dans l’unité, appellera les personnels à se mobiliser devant toute remise en cause des statuts.

Commission fédérale Formation Initiale et Continue des Personnels,
SUD Education

 Les 10 compétences d’un enseignant au sortir de sa formation initiale

1 - Compétence disciplinaire et culturelle
2 - Compétence en langue française
3 - Compétence à concevoir son enseignement
4 - Compétence à prendre en compte la diversité des élèves
5 - Compétence à gérer la classe
6 - Compétence à évaluer les élèves
7 - Compétence en technologies de l’information et de la communication
8 - Compétence à travailler en équipe et à coopérer avec tous les partenaires de l’Ecole
9 - Compétence à réfléchir sur sa pratique, à innover, à se former
10 - Compétence à agir de façon éthique et responsable dans le cadre du service public de l’éducation

D’après le rapport du HCE « Recommandations pour la formation des maîtres »

Commentaires

  • A la lecture de cet article, on peut s’inquiéter des conséquences d’un nouveau Master de l’enseignement. Que vont-devenir les pe recrutés dans la fonction publique et qui sont licenciés et ont eu le CRPE avant la mise en place de ce master ? Va-t-on revoir leur garantie de l’emploi ? Quelles conséquence cela aura t-il sur les PE du privé avant la mise en place de ce master ? La priorité au ré-emploi sera t-elle remise en question ?

    Si ce projet aboutit est ce que les grilles vont elles être revues à la hausse ? Y aura-t-il le même traitement pour un PE avant la réforme et un PE post réforme avec un master !

    Quid des mères ayant eu trois enfants et pouvant concourir sans licence ?

    Bref, c’est le flou de notre côté. Pouvez-vous nous renseigner et nous faire part des actions que vous comptez mener.

    • « Chances ? » On devrait bientôt le savoir puisque Darcos vient d’en reconfirmer le principe par sa lettre aux syndicats.

      Ne croyez surtout pas à du « gagnant-gagnant » : même si des revalorisations sont envisagées, elles seront pensées en terme de division (léger progrès pour quelques uns, grosses perte pour tous les autres).

      Pour les modalités, 2 sources
       réforme du statut de la fonction publique, avec l’ouverture d’une possibilité de licenciement pour tous ceux dont la fonction (la matière dans l’éducation ?) disparait
       rapport Pochard repris dans un « livre blanc » puis une loi : changement des modalités de recrutement (plusieurs scénarios).

      Public - privé : on risque l’alignement par le bas. La perte serait sans doute plus faible du coté des maîtres du privé, mais il y aurait des pertes quand même, parce que de nombreuses modalités sociales appliquées aux maîtres du privé sont directement issues du statut des fonctionnaires (dont mères de 3 enfants).

      Actions : contester bien sûr ces mesures, avec les maîtres du public et les fonctionnaires. Les modalités doivent cependant être revues car on voit bien les limites des actions actuelles face à un gouvernement qui ne défend que des intérêts particuliers (pas les nôtres !) et qui est dans un rapport de toute puissance avec les citoyens.

    • Si ce master est créé, il est fort probable que beaucoup de personnes ne pourront plus suivre (salariés devant faire une croix sur deux ans de rémunération, mère de famille avec 3 enfants n’ayant pas de licence, etc). Cette reforme serait injuste socialement. Il y a quelques décennies on recrutait les instits au niveau 3e et c’était de bons instituteurs. On parle de certification et un recrutement en direct avec les écoles, plus de garantie de l’emploi, le CRPE ne serait plus un gage de sécurité pour les anciens qui pourraient également voir leur statut modifier !

      Merci de lutter pour que ce projet ne voie pas le jour !

      Merci

    • Public - privé : on risque l’alignement par le bas. La perte serait sans doute plus faible du coté des maîtres du privé, mais il y aurait des pertes quand même, parce que de nombreuses modalités sociales appliquées aux maîtres du privé sont directement issues du statut des fonctionnaires (dont mères de 3 enfants).

      Quelles seront ces pertes ? Avez-vous une idée ? On parle de supprimer la maternelle, n’est ce pas un moyen de renvoyer les enseignants de maternelle dans le primaire pour palier la réduction d’effectif.

    • Juste sur la maternelle : c’est déjà engagé puisque les moins de 3 ans ne sont plus décomptés par des inspections académiques.

      L’enseignement catholique a d’ailleurs une position plus qu’ambigüe sur le sujet : il veut ouvrir des crèches, financées hors contrat d’enseignement avec l’Etat par des dons ou par des subventions des collectivités locales.

      Bien sûr, les « enseignants » n’y seraient plus des maîtres sous contrat, mais des personnels payés par l’association, sur une base bien plus faible et avec des critères de recrutement très allégés ...

      Finalement, ses responsables se trouvent très bien dans ce régime ultralibéral.

    • Bonjour,
      Je suis suppléante depuis 4 ans 3 mois 26 jours relativement à mon état des services.
      J’ai commencé le 01/09/03 en contrat simple (et suis restée jusqu’à présent en contrat simple dans la même école) mais avec quelques coupures : du 01/09/04 au 29/11/04 / du 01/09/05 au 09/09/05 / du 19/03/06 au 04/04/06/ du 25/05/06 au 29/05/06 / du 18/05/07 au 04/07/07 / du 01/09/07 au 01/10/07 / du 02/11/07 au 09/11/07 / du 18/11/07 au 07/12/07. Mon contrat actuel se termine le 03/07/08.
      1-Pensez-vous qu’avec seulement des contrats simples je puisse obtenir quand-même une titularisation en demandant un recours gracieux ? Je suis actuellement dans une situation délicate, puisque pour la rentrée prochaine on me propose encore un contrat simple dans la même école et que je dois donner une réponse aujourd’hui. Dois-je refuser ? Y a t-il pour moi une solution à l’avenir ?
      2-J’ai effectué 5 ans d’emploi jeune en tant qu’aide-éducatrice dans une école primaire publique. Est-ce que ces années comptent ? Je vous remercie de votre aide. Mon mail : saezpatricia aol.com

  • A propos de l’accessibilité au CRPE à bac +5 en 2010 :
    Est-il tordu d’imaginer que les promotions de 1re année d’IUFM aient des facilités à obtenir le concours de la session 2009 ? on sait que normalement ce concours est anonyme, mais...
    En 2010, la grande majorité des candidats qui passent le CRPE, et qui sont « bac +3 », ne pourront pas le passer : est-ce voulu ?
    Le dispositif écarte aussi, définitivement, les adultes ayant repris des études sur le tard, qui sont chargés de famille, et qui ne peuvent se permettre de passer 2 années de plus sur les bancs de la fac, sans salaire : est-ce voulu également ? pourquoi ?
    En 2010, les « bacs + 5 » ne se bousculeront pas pour passer un CRPE qui leur donnera un travail sous-payé par rapport à leur niveau d’études ; il y aura donc en 2010 une baisse significative de candidats au CRPE : est-ce une stratégie pour envisager à plus ou moins court terme la suppression de ce concours ?
    Enfin, LA question, à laquelle personne ne répond : quel est l’intérêt de mettre à bac + 5 le niveau d’études pour être maître d’école ? ( qui est par ailleurs un très beau métier ). Cinq années d’études universitaires forment des intellectuels, mais pas des enseignants, ni des pédagogues.
    Une dernière chose : la titularisation d’une petite poignée de suppléants du privé n’aurait-elle été elle aussi qu’une stratégie, destinée à masquer cette autre réforme, autrement plus dévastatrice, qui se joue en ce moment autour du recrutement des futurs enseignants et qui va à terme supprimer le statut de fonctionnaire ?
    Qu’entendent les syndicats, dans les couloirs des ministères ?

    • Le pire est que la réussite au CRPE ne permettra juste d’être sur liste d’aptitude comme dans la territoriale et au petit bonheur la chance pour avoir un poste définitif.

    • Difficile de répondre aux spéculations sur les candidats qui passeront le CRPE en 2010 : il y a des déclarations du ministre, mais aucun document précis.

      De la même façon, la fréquentation du ministère ne nous ai d’aucun secours : dans le fonctionnement actuel de l’Etat, il n’y a plus de concertation, plus d’étude de terrain préalable, tout est balancé par le ministre et son cabinet, quand ce n’est pas directement de Sarko et de de ses conseillers, dans une logique de coups de com et d’idéologie.

      Par contre, nous pouvons réfléchir aux conséquences d’une montée à bac plus 5 du recrutement des maîtres
       cette décision vise à donner la tutelle aux présidents d’université (dont la loi LRU a énormément renforcé le pouvoir) sur les IUFM, jusque là autonomes. Cela ne va certainement pas renforcer la professionnalisation de la formation, mais au contraire accentuer le caractère généraliste. Les 5 ans sont simplement une mise aux normes LMD européennes

       la réduction à un an seulement de formation sur le métier, seulement dans une logique de « compagnonnage », va conduire à une reproduction de méthodes alors qu’il faudrait au contraire innover pour prendre en compte des réalités qui ont radicalement changé.

       effectivement, votre lecture d’une suppression à terme du statut de fonctionnaire rejoint notre analyse. Et comme l’a dit récemment le secrétaire général de l’enseignement catholique, le fait que les maîtres soient recrutés à bac + 5 leur permettra simplement de retrouver plus facilement un emploi ... s’ils sortent - ou sont sortis - de l’enseignement !

      Mais toutes ces mesures doivent encore passer dans la loi : nous les combattrons.

    • Va-t-on revoir leur garantie de réemploi ?

      Avez-vous quantifier l’impact d’un tel changement ?

  • J’ai une question à laquelle je ne trouve aucune réponse peut être le SUNDEP pourra y répondre :
    si l’on est titulaire d’un BAC+5 devons nous reprendre également des études pour faire les 2 années, Master 1 et Master 2 enseignement pour pouvoir passer le concours ?
    Merci de vos réponses !

    • On en est vraiment au début d’une réforme annoncée comme d’hab sans aucune concertation.

      Après l’inévitable Sarko, on a eu droit à une communication commune Darcos-Pécresse à un conseil des ministre, vraiment très courte.

      Certains réclament des masters spécialisés « enseignement », mais rien n’est sûr.

      Par ailleurs, la mise en place ne pourra se faire que très progressivement après 2010, et devra tenir compte des situations d’avant la réforme, prévoira sans doute des équivalences ...

  • pour les suppléants en contrat simple nous n’avions pas accès à la titularisation et maintenant nous n’aurons plus accès au concours
    que nous reste t il ?
    y aura t il les années d’expérience qui seront pris en compte .......
    en somme nous n’avons plus qu’une seule année pour réussir le concours et encore..........

    •  CDI de droit public : dispositif certes interdit aux enseignants des écoles sous contrat simple.
      Il faudrait voir d’autres dispositifs de droit privé, notamment ceux qui limitent le nombre de recours aux CDD. Le principal avantage en serait une indemnité de licenciement ... qui dissuaderait les écoles de rester en contrat simple avec l’Etat.

       concours : il nous est dit qu’ils ne seraient pas supprimés mais reformatés. C’est plutôt l’idée même d’une embauche définitive (chose qui n’existe pas pour les maîtres du privé) qui est remise en cause avec l’instauration d’une possibilité de licencier les fonctionnaires dont le type d’emploi est supprimé

       validation des acquis : dispositif actuellement peu développé dans notre secteur. Elle peut servir à obtenir la totalité d’un diplôme (pourquoi pas le master ?).