LA SCIENCE : LA GRANDE PERDANTE DE LA REFORME « 2.020 », SON ENSEIGNEMENT MEPRISE….

mardi 27 février 2018


Alors même que Cédric Villani, l’ultra-médiatique nouveau député En Marche de l’Essonne, vient de remettre un rapport déclinant 21 mesures sur l’Enseignement des mathématiques afin de redonner du goût et du sens vis-à-vis de l’enseignement de cette discipline, à la fois trop aimée mais aussi mal aimée car trop souvent malmenée en France, voilà que les mathématiques, en lecture de la réforme du lycée, semblent devoir devenir une discipline élitiste réservée uniquement aux spécialiste (1). Les élèves éprouvent des difficultés dans l’apprentissage des maths, alors supprimons les maths ? Drôle de méthode pédagogique ! Des doutes sur son efficience nous pouvons avoir . Ainsi, des doutes sur les répercussions d’une telle décision sur l’enseignement des sciences nous allons avoir, certainement !

Un état des lieux inquiétant….
La réforme ne réserve évidemment pas un sort meilleur aux sciences, qu’elles soient « naturelles » ou biologiques, chimiques ou physiques, celles-ci ne pourront être le choix que de groupes d’élèves de plus en plus spécialisé-es puisque probablement majoritairement couplées aux mathématiques en classe de « maturité ». Les mathématiques, nécessaires « béquilles » à la compréhension des phénomènes scientifiques seront ainsi appariées aux sciences physiques et chimiques ou et non plus et aux SVT. Peut-on faire des sciences sans mathématiques ? Peut-on enseigner des sciences à des élèves ayant des compétences académiques différentes en maths ? Quid du duo SVT/PC dont l’éventualité n’est plus techniquement exclue (2) mais moins probable en réponse aux attendus de l’enseignement supérieur ?
Une liste de questions non exhaustive qui va induire, comme l’a justement publié l’UDPPC (L’Union Des Professeurs de Physique Chimie), une flagrante dissymétrie entre les filières scientifiques et littéraires. C’est en effet ce que montre très clairement l’infographie proposée par l’UDPPC à l’issue de la présentation de la réforme du BAC par J.M. Blanquer, le 14 février dernier (3).

Les Humanités scientifiques et numériques…c’est-à-dire ?
Une autre question se pose depuis la mi-février, elle concerne le contenu des humanités scientifiques et numériques dont nous nous interrogeons tous-tes sur leurs contenus ? Quoiqu’il en soit, voici une discipline (?) ou est-ce une matière (?) enseignée par des professeur-es de sciences, de mathématiques de technologie voire d’histoire géographie (quoiqu’ils/elles aient déjà fort à enseigner ) qui fait son apparition directement dans le tronc commun, à raison de deux heures obligatoires par semaine.
Que lit-on à son sujet : « une matière qui donnera à tous-tes les lycéen-nes les connaissances indispensables pour vivre et agir dans le XXIe siècle en approfondissant les compétences numériques de l’élève ainsi que sa compréhension des grandes transformations scientifiques et technologiques de notre temps (bioéthique, transition écologique, etc.) ».

C’est-à-dire ?
Parle-t-on des sciences humaines, terminologie en vogue dans les années 80 et qui désignaient tout simplement à l’époque l’enseignement de l’Histoire et de la Géographie ? Non, évidemment !
Parle-t-on, comme l’a défini en 1964, la Commission sur les Humanités d’un « corps de connaissance incluant l’étude de l’histoire, la littérature, les arts, la religion et la philosophie. Les arts sous toutes leurs formes expriment les pensées et les sentiments visuellement, verbalement, ou oralement. La méthode d’éducation est libérale, issue de l’antiquité classique. Et la moralité est tournée vers l’individu, vers l’homme en tant qu’individu rationnel. » Pas vraiment non plus…

Mais alors de quoi parle-t-on ? Les spécialistes eux-mêmes ont du mal à nous donner une définition satisfaisante. Cependant, à la racine de cet enseignement « digital humanities » se conçoit les anciennes humanités (voir définition ci-dessus) assistées de l’outil informatique. Il s’agit donc principalement de collaborations entre des chercheurs et chercheuses en « humanités » et des équipes d’informaticien-nes (4). Mais là encore, on s’éloigne donc de la discipline proposée par le MEN à l’occasion de cette réforme ….
Alors de quoi parle-t-on ? Pour le comprendre ou du moins essayer de le faire, il faut revenir au rapport Matthiot (5). Qu’est-ce qu’on y lit exactement s’agissant des « HSN » ? On y recommande un usage généralisé des ressources numériques afin d’améliorer la formation des lycéen-nes à travers une « industrialisation des bonnes pratiques (6) » ?

C’est-à-dire bis ?
Il s’agit « d’acculturer l’ensemble des élèves (voire aussi des enseignant-es qui n’utiliseraient pas assez l’outil informatique dans leur cours) au numérique, notamment aux nouvelles pratiques pédagogiques ». Le tout sans se focaliser uniquement sur ceux et celles que l’informatique intéresse, mais imaginer élargir à tous-tes avec une initiation minimale au codage, aux enjeux de la sécurité informatique, à la « e-réputation », une formation de base à la bureautique….bref tout ou presque qui de loin ou de près touche à l’informatique….un vaste programme, très flou !

Comment envisager ces HSN ?
Très logiquement par l’achat de matériel informatique, tablettes, ordinateurs et autres tableaux interactifs ainsi que l’acquisition de logiciels éducatifs qui constituent un marché quasi-inexistant dans l’hexagone. Quid du financement de tous ces outils ? Des partenariats ont d’ores et déjà été envisagés par le passé lors de la précédente mandature présidentielle (avec Microsoft par exemple (7)). Pourquoi s’en choquer puisque ces lobbies de l’informatique ont déjà noyautés nos institutions nationales et européennes (8) ?
On dirait que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon... ) ont réussi à se faire une place dans la version 2.020 du BAC ? Peut-on clairement parler d’une marchandisation de l’école ? OUI.

Et les enseignant-es de scienceS dans tout ça ?
Sans réel débat de fond, il est cependant clair que cette matière se substitue à une bonne part des enseignements de sciences expérimentales (SVT et PC). La réforme du lycée de 2010 avait déjà affaibli ces disciplines mais cette fois-ci, c’est le coup de grâce. Les SVT et PC disparaissent ainsi du tronc commun en fin de 2de (où les élèves vont passer de 4h à 3h de sciences avec une suppression des MPS ). Une partie des heures de cours perdues seront rebasculées en HSN mais il y aura des pertes nettes.
C’est une conséquence de la réforme puisque les lycéen-nes vont devoir choisir des matières « de détermination », « de spécialisation », en lien avec leur projet d’orientation post-bac. Quelle proportion de lycéen-nes vont s’orienter vers cette filière SVT-PC ? Actuellement 50% des lycéens généraux sont en S et ont une formation conséquente en SVT et en PC. Un système de lycée modulaire va se mettre en place. Un tel système existe déjà en Grande Bretagne depuis longtemps, sur les 10 combinaisons de disciplines choisies pour le A level, les sciences représente un peu plus de 20% des choix.

Vers un enseignement des sciences à l’anglo-saxone ?
Parce qu’ils nous devancent dans les classements PISA (9) s’agissant des sciences doit-on pour autant se tourner vers ce modèle anglo-saxon ? Un modèle où les bons élèves choisissent les sciences dans les Grammar School et les moins bons les « humanités » dans les « Comprehensive School ». Un système très inégalitaire donc.
Un système où règne les QCM afin de valider la compréhension de notions faute de pouvoir mener une réflexion plus approfondie nécessitant le maniement d’outils mathématiques laissés de côté par le jeu des choix de spécialités.
Un système où l’efficience (maximum de résultats avec un minimum de moyens financiers) est le maître mot et le moteur en termes d’éducation.

La Science éveille l’esprit. « L’inscience » réveille le mépris…. Ce sont nos enfants qui en paieront le prix…..hélas…. 

(1) La réforme du BAC, site Eduscol http://eduscol.education.fr/cid126665/vers-le-bac-2021.html#lien1
(2) Pétition « Pour deux combinaisons majeurs SVT/Maths et SVT/PC » : https://www.change.org/p/au-ministre-de-l-education-nationale-pour-une-combinaison-de-majeures-svt-physique-chimie?recruiter=492638522&utm_source=share_petition&utm_medium=facebook&utm_campaign=autopublish&utm_term=share_petition&utm_content=ex49%3Av2
(3) http://national.udppc.asso.fr/index.php/115-espace-lycee/reforme-du-bac-2021/779-communique-de-presse-14-02-2018-avec-la-reforme-du-baccalaureat-la-france-renonce-definitivement-a-offrir-une-culture-scientifique-a-ses-citoyen-ne-s
(4) Prix pour promouvoir les « humanités numériques » : https://adho.org
(5) Le rapport Matthiot : http://cache.media.education.gouv.fr/file/Janvier/44/3/bac_2021_rapport_Mathiot_884443.pdf
(6) En page 44 du rapport Matthiot.
(7) Accord en Microsoft et l’Education Nationale, janvier 2016 : http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/l-accord-microsoft-education-nationale-fait-encore-des-vagues-29-01-2016-2013909_47.php
(8) http://owni.fr/2012/09/17/la-carte-des-lobbyistes-du-numerique/index.html
(9) L’enquête OCDE-PISA sur l’Education, Editions Bartillat.