LA REFORME DU COLLEGE : SYNOPSIS DE SA SAISON II

vendredi 30 juin 2017


C’était une promesse de campagne du candidat Macron « réhabiliter les parcours bilangues et européens….revenir à un véritable enseignement du latin et du grec… », parce que remis en cause par la réforme de la précédente mandature. Qu’en est-il exactement du détricotage annoncé de cette réforme du collège, un an à peine après sa mise en place ? J.M. Blanquer, le nouvel occupant de la rue de Grenelle renvoie-t-il vraiment aux gémonies, par décret, toute « l’œuvre » de la précédente locataire des lieux ? Une petite mise au point s’impose à la lecture d’un scénario pas si bien écrit que cela…..

Que s’est-il passé lors du dernier CSE(1) ?
L’arrêté daté du 16 juin et publié dans le journal officiel(2) le 18 juin dernier va plus loin que les promesses de campagne faites par le candidat Macron. Il supprime pratiquement le cadre national fixé pour les deux nouveaux dispositifs phares de la réforme voulue par Najat Vallaud-Belkacem, à savoir les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) ainsi que l’Accompagnement Personnalisé (AP).
Cette décision a d’ailleurs fait fi des votes des syndicats en CSE puisque ceux-ci ont rejeté par 26 voix contre (dont celle des Solidaires), 8 pour et 24 absentions. Nous devons rappeler ici le rôle, helàs uniquement consultatif de cette instance.
Cet arrêté reprend donc le texte mis en débat à l’occasion de ce CSE. Il modifie celui proposé le 6 juin qui annulait tout simplement la précédente réforme du collège.

Quid exactement dans ce nouveau texte des EPI et autres AP ?
Que reste-t-il des EPI ? Exit le caractère obligatoire des huit thèmes jusqu’alors imposés, thèmes allant des « langues et cultures de l’Antiquité » au « monde économique et professionnel » en passant par « la transition écologique ». A l’issue du cycle 4, tout élève devra avoir bénéficié d’un EPI. N’est précisé ni le niveau dans lequel ils seront enseignés,pas plus que leur thème (non imposé), tous deux seront à l’appréciation des professeur-es les dispensant. Ces projets s’effectueront désormais en fonction des appétences des un-es et des autres. Certes les EPI resteront interdisciplinaires mais effectués dans un cadre assez flou. Ainsi, les enseignant-es pourront considérer comme EPI, ce qu’ils/elles voudront.
Qu’en est-il des AP ? A l’instar des EPI, ils seront réduits à portion congrue sachant que tout élève devra avoir bénéficié de chacune de ces deux formes d’enseignement complémentaire. Il est alors préconisé de les dispenser sur un même niveau.
Les plages horaires les concernant restent inchangées : 3 heures d’enseignement complémentaire en cycle 3 (6e) et 4 heures en cycle 3 (5e, 4e et 3e)(2).

Quelles sont les grandes lignes des autres modifications ?
L’accent est mis sur l’apprentissage des langues, qu’elles soient régionales, anciennes ou vivantes étrangères. C’est l’effet d’annonce le plus entendu s’agissant de ce détricotage de la réforme mise en place il y a un an.
Ainsi « un enseignement commun ou un enseignement complémentaire peut à chaque niveau être enseigné en langue vivante étrangère, ou régionale », c’est le sens de la re-écriture de l’article 5 de cet arrêté.
Quant aux classes bilangues et à l’enseignement du latin et du grec, l’article 7 a permis d’imaginer un renforcement horaire les concernant : « Les enseignements facultatifs peuvent porter sur – les langues et culture de l’Antiquité au cycle 4 et dans la limite d’une heure hebdomadaire en 5e et de trois hebdomadaires en 4e et 3e – l’introduction d’une 2e langue vivante étrangère ou régionale, en 6e (l’enseignement de deux langues vivantes peut se faire dans la limite de six heures hebdomadaires) – l’enseignement de langues et cultures européennes, dans la limite de deux heures hebdomadaires, en cycle 4 (De là à envisager le retour des classes européennes, il n’y a qu’un pas ou presque).

Vers une réforme du collège à la carte ?
Reste la question du cadre d’application de ces modifications. L’arrêté est paru le 18 juin, à l’heure où de nombreux établissements ont d’ores et déjà préparé leur rentrée 2017-2018 ou sont concentrés sur la préparation des examens de fin d’année. Il reste fort à parier que le statu quo sera observé dans de nombreux collèges. Ailleurs, les modifications induites par l’application de cet arrêté se feront dans l’urgence, ce qui n’augure rien de très serein !
En fait, on laisse aux établissements la responsabilité de déconstruire la réforme. Des choix qui relèveront sans doute plus de l’idéologie que du pragmatisme.

Que risque-t-il de se passer dans nos établissements privés sous contrat ?
Le nouveau ministre de l’Education National offre un blanc-seing aux chefs d’établissements de nos collèges déjà fer de lance de l’autonomie auto-revendiquée. Il leur permet d’utiliser à leur guise des heures d’enseignements complémentaires pour proposer des voies spécifiques, ici élitiste et ailleurs clientélistes qui, in fine, encourageront des ségrégations de populations d’élèves entre les différents collèges d’un même secteur.
M. Blanquer veut mettre en place une large autonomie des établissements, mais il est fort à parier que cette vision est d’abord celle de la mise en concurrence. Il invoque la « méritocratie républicaine » tout en allant à l’encontre d’une politique réfléchie de démocratisation accordant à tous-tes l’accès à la connaissance.
Nous nous éloignons ainsi toujours un peu plus du rêve d’équité et d’égalité que le SUNDEP-Solidaires souhaite voir s’aplliquer.

« Quand est-ce que quelqu’un pensera enfin à nos élèves ? »
Parole de prof .
(1) CSE : Conseil Supérieur de l’Education.
(2) https://www.legifrance.gouv.fraffichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034952173&dateTexte=&categorieLien=id