Taxer les accidentés du travail... c’est scandaleux, injuste... !

vendredi 4 décembre 2009


On peut bien le retourner dans tous les sens, la taxation des indemnités d’accident du travail apparait comme une mesure socialement lamentable : faire payer ceux qui sont en pleine panade, les faibles...

Cela aurait dû provoquer une union nationale pour faire reculer le gouvernement (lequel semblait peu sûr de son fait).

Au lieu de ça, le meeting qui a réuni tous les partis politiques « de gauche », n’a vu du coté syndical que la participation de Solidaires !

On peut être heureux certes de voir que l’organisation à laquelle on appartient continue ce combat de la défense du faible face aux forts.

Mais on peut être inquiet de la déliquescence de toutes les autres organisations qui devraient partager ces mêmes valeurs : quelles stratégies (incompréhensibles pour le salarié lambda) expliquent-elles ces absences ?

En tout cas, les plus faibles (dont le nombre grossit) peuvent se sentir abandonnés.

Le site de la Fondation Copernic permet de voir les vidéos intervenant-e par intervenant-e, cliquez ici : première partie, seconde partie.

Taxer les accidentés du travail, c’est nul !

Communiqué de Solidaires

C’est ainsi que Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale avait accueilli la proposition portée à la veille des journées parlementaires par Jean-Francois Copé, président du groupe UMP, de fiscaliser les indemnités suite à un accident du travail. C’est non seulement nul mais c’est injuste et c’est ignoble.

Emile Durkheim écrivait « Il ne faut pas dire qu’un acte froisse la conscience commune parce qu’il est criminel, mais qu’il est criminel parce qu’il froisse la conscience commune. » Alors, il me semble évident que cette décision de taxer les accidentés du travail est criminelle.

De quoi s’agit-il ? Cette indemnité, qui il faut encore le rappeler n’est pas un salaire, est versée aux salariés par la branche AT/MP de l’assurance maladie en cas d’arrêt de travail suite à un accident du travail. Pendant les 28 premiers jours d’arrêt de travail, l’indemnité journalière est égale à 60 % du salaire journalier de base, puis elle passe à 80 %.

Fiscaliser ces sommes, comme vont le faire les parlementaires UMP avec le soutien du gouvernement, reviendrait à les considérer comme un revenu.
Or ces sommes ne sont ni plus ni moins qu’une indemnité réparatrice d’un préjudice subi, préjudice qui met le salarié dans l’incapacité totale, pour une durée plus ou moins longue, de subvenir par lui-même à ces besoins essentiels.

De plus, cette réparation est loin d’être totale et satisfaisante et ne couvre en aucun cas l’ensemble des préjudices subis.
A ce compte là, et en poursuivant la même logique, il faudra bientôt imposer les indemnités de licenciement versées dans le cadre d’un plan social ou les dommages et intérêts obtenus par les victimes devant la justice !

A moins qu’il ne faille inviter tous les salariés victimes d’un accident du travail à demander réparation devant un tribunal.
Nos parlementaires et ministres devraient, plutôt que de venir avec indécence racler les poches des victimes, se pencher sur les raisons et les causes de l’augmentation importante du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Pour l’Union syndicale Solidaires, une indemnité réparatrice ne peut en aucun cas être assimilé à un salaire et encore moins être assimilée à une niche fiscale. La majorité et le gouvernement montrent chaque jour un peu plus leur volonté de faire les poches des salariés. Après les malades, c’est le tour des victimes du travail, dont le nombre s’accroît avec la crise. Là comme ailleurs, ce n’est pas à nous de payer leur crise.

Cette crise, on a pointé depuis longtemps les responsables, mais pas toujours leur bras armé, je veux parler des tueurs de coûts, ces « Cost killer ». Et des « Cost killer » il y en a partout, y compris à l’assemblée nationale où leur général en chef, Jean-François Copé, bouclier fiscal en main part à l’assaut des éclopés, des malades, des accidentés du travail. Travailler plus pour payer plus, pour souffrir plus, pour mourir plus.

Le même Jean-François Copé, qui ose lancer une commission de réflexion des parlementaires UMP et Nouveau Centre pour faire, disent-ils, face au phénomène de la souffrance au travail. M. Copé prétend que le « sens de » sa « mission, c’est le service de l’homme, c’est l’attention au respect de la dignité de chacun » et affirme « qu’un salarié heureux dans son travail, c’est un salarié motivé, qui s’absente moins, qui innove plus, qui est plus productif... ».

Pour mieux le taxer ce salarié qui ne bénéficie pas d’un bouclier fiscal et que l’on prive du peu de bouclier social qui lui restait.
Ces « cost killer » qu’on retrouve dans les entreprises, dans les couloirs des ministères, partout où les salariés précarisés triment, suent, s’usent, s’épuisent.

Ces « cost killer » qui détruisent un à un les liens sociaux, démantèlent les protections, éradiquent les collectifs, ruinent la santé des travailleurs. Ils viennent et cultivent de manière intensive les bassins d’emploi, les épuisent, pour une fois les salariés exsangues les abandonner et reprendre leur exploitation un peu plus loin.

Pour l’Union syndicale Solidaires, ce ne sont pas les indemnités qu’il faut fiscaliser, ce ne sont pas les accidentés du travail, tout juste indemnisés, qu’il faut pourchasser mais bien les organisations du travail et l’intensification des tâches qu’il faut remettre en question. C’est aux causes que nous devons nous attaquer pas aux effets. Ces causes qui multiplient les accidentés et pire, les tués.

Plus de 25 suicides à France Télécom en l’espace de quelques mois ont permis de commencer à faire émerger un large débat sur un nombre important de questions.

Le magnifique documentaire « La mise à mort du travail » de Jean-Robert Viallet ainsi que de nombreux ouvrages ont mis en évidence un socle commun de constat sur lesquels nous appuyer :
destruction délibérée des collectifs de travail par une mise en concurrence des salariés, objectifs individualisés, accroissement de la productivité avec une forte intensification du travail, disparition ou réduction des marges de manoeuvre dans l’exécution du travail, une perte de la qualité (du travail bien fait) sous prétexte de la satisfaction du client (mais quelle satisfaction ?), management sans connaissance réelle des métiers dans le seul objectif de rentabilité financière, pilotage par indicateurs de plus en plus abstraits, financiarisation accrue de l’économie.

L’urgente nécessité est maintenant de redonner la parole aux salariés mais aussi de leur redonner confiance dans l’action collective.
Louis Blanc disait « Lorsque dans une société, la force organisée n’est nulle part, le despotisme est partout. » Il nous faut bien avouer que cette force organisée aujourd’hui nous fait défaut, au-delà de la belle unité politique de ce soir à cette tribune ou de la belle unité syndicale qui au début de cette année mit des millions de salariés, de chômeurs, de précaires, de retraités ensemble dans nos rues pour demander à ne pas payer une crise qui n’est pas la nôtre.

Cette crise, en partie, ce seront les accidentés, les victimes du travail qui vont la payer. Ils vont, si rien n’est fait pour franchir un cran supplémentaire dans la mobilisation dans les jours qui viennent, être taxés, prélevés dans leur chair.

Il y a urgence à, non seulement nous unir largement, nous savons le faire, nous l’avons fait à plusieurs reprises ces derniers mois, l’exemple de la bataille de la poste et du succès de la votation citoyenne est là pour le prouver, urgence donc à nous unir mais surtout à porter nos combats jusqu’au bout, à savoir les amplifier, à ne plus jamais renoncer car ce gouvernement ne prend que les espaces que nous lui abandonnons. Le libéralisme ultra-brutal de Sarkozy ne grandit que de nos propres renoncements.

L’Union syndicale Solidaires est prête à mener ce combat, tous ces combats, jusqu’au bout.

Intervention d’Eric Beynel (Solidaires)