Sept mesures pour une « réforme du lycée »...

vendredi 16 octobre 2009


On ne reviendra pas sur l’éloge de la méritocratie par le diplôme en pleine affaire Jean Sarkozy...

Pour la présentation de la « réforme » du lycée, son père s’est contenté d’un catalogue de mesures, sans bien sûr d’engagements supplémentaires pour les mettre en œuvre, et alors que les suppressions de postes sont déjà programmées pour les 3 ans à venir.

Il est annoncé que les décisions définitives seraient prises avant la fin de l’année, et après une « concertation » avec les parents, lycéens et enseignants, ce qui fait très court !
L’application aurait lieu à la rentrée 2010.

Par ailleurs, on peut s’étonner que désormais les réformes concernant l’école soient présentées par le président de la République. C’est une dérive institutionnelle qui ne garantit pas la prise en compte des acteurs et des réalités de l’école. Cela conduit inévitablement à une démarche seulement orientée en direction des électeurs, une démarche marketing avec des mesures « poudre aux yeux ».

Les sept points de la réforme

 Orientation

« Véritable révolution »...
Deux principes très généraux :

 l’orientation doit être progressive et réversible
* le redoublement qui n’est « jamais une solution » doit devenir « l’exception »,
* pour que les élèves puissent passer en classe supérieure malgré un niveau insuffisant ou changer d’orientation, le ministère créera des stages de vacances. Il y aura aussi de stages de remise à niveau permettant d’éviter le redoublement,
* il y aura des stages passerelle offrant le complément de programme pour changer de filière. Ils pourront aussi avoir lieu en cours d’année.
* parallèlement le ministère développera les plateformes multimédia d’information sur l’orientation.

 Tous les lycées devront développer des liens avec le supérieur et les entreprises
* chacun offrira une banque de stages en entreprises,
* les services partagés d’enseignement entre supérieur et lycée seront encouragés ainsi que les stages d’enseignants en entreprise.

On peut cependant douter de la pertinence de ce seul lien avec l’entreprise comme solution à tous les problèmes d’orientation.

 Réforme de la voie technologique

 annonce d’une refonte des programmes STI,
 annonce de places réservées en BTS et en IUT pour les bacheliers technologiques,
 multiplication des classes préparatoires aux écoles d’ingénieur.

 Il faut sauver la voie littéraire

N Sarkozy voit trois solutions :
 la création d’un nouvel enseignement de langues et civilisations étrangères propre à la série permettant une ouverture internationale,
 l’introduction de disciplines nouvelles comme le droit,
 la création d’un enseignement culturel et artistique ouvrant sur les métiers des loisirs.

 Accompagnement personnalisé pour les élèves

Pour N Sarkozy il y a trop de cours (1036 heures annuelles en France contre 921 h dans les pays OCDE) et pas assez de plages de travail personnel.

 dès la rentrée les élèves disposeront de deux heures d’accompagnement par semaine en seconde,
 ce sera étendu en 1re et Tale en 2011 et 2012,
 sous l’autorité d’un enseignant ils pourront bénéficier de soutien ou d’approfondissement ou encore travailler leur orientation.

Cet accompagnement devra trouver place dans les horaires actuels « à moyens constants ».
Une « marge de manœuvre » sera laissée aux établissements.

 Un plan d’urgence pour les langues

 les épreuves du bac seront réformées pour laisser plus de place à l’oral,
 des assistants de langue et la visioconférence seraient étendus,
 les élèves seront regroupés par groupe de niveau, mais sans qu’aucun allégement des groupes de langues ne sont prévu,
 chaque lycée devra passer un partenariat avec un établissement étranger et organiser des voyages à l’étranger pour tous les élèves.

L’Etat compte sur les régions pour aider financièrement les enfants des familles défavorisées à financer ce voyage…

 L’histoire des arts introduite au lycée

 un enseignement transversal d’histoire es arts sera introduit au lycée grâce à une réforme des programmes de français, histoire et sciences,
 il sera évalué au bac,
 chaque lycée devra avoir un partenariat avec un établissement culturel local,
 il devra nommer un enseignant « référent culture »,
 chaque lycée devra aussi avoir son ciné club avec une salle équipée pour la projection,
 une plateforme développée par France Télévision mettra à disposition des établissements une banque de 200 classiques du film utilisables dans ce cadre,
 les établissements seront encouragés à prévoir des retransmissions en direct de créations théâtrales ou d’opéras…

Cependant, aucun moyen supplémentaire n’est envisagé.

 Plus d’autonomie pour les lycéens

L’engagement associatif ou dans l’établissement des élèves sera reconnu dans le livret de compétences. Ce sera un « plus » pour l’accès à l’enseignement supérieur.

L’âge légal de prise de responsabilité associative sera abaissé de 18 à 16 ans. Les élèves seront associés à la gestion de la cantine et des espaces des établissements.

Commentaires :

La question du redoublement n’est traitée ici que dans les années où elle est moins critiquable. Elle peut difficilement trouver de solution dans un stage de remise à niveau durant un mois d’été. Ce que montrent justement les études sur le redoublement c’est que n’est pas en refaisant le programme qu’on règle les difficultés de l’élève. La solution réside plutôt dans un véritable travail d’accompagnement durant l’année scolaire.

Les stages passerelles sont une idée mieux adaptée à condition d’être très vigilant sur le processus de réorientation lui-même de façon à le mettre au service du seul élève. A défaut on aura seulement donné un nouvel outil de tri dans les établissements et renforcé l’élitisme.

En effet, le risque est de multiplier les réorientations en cours d’année et d’aggraver le tri social en envoyant les élèves vers une voie professionnelle non choisie.

Le rééquilibrage des filières qui est tenté en modifiant les contenus d’enseignement de la filière littéraire est un pari difficile puisque aucune évolution n’est prévue par ailleurs.
Pourra-t-on rendre celle-ci plus attractive en améliorant le niveau de langues ou en développant une branche « loisirs » ? On évite de cette façon une réflexion d’ensemble sur les enseignements de base à donner au lycée…

L’accompagnement des élèves est déjà présent dans les lycées à travers les heures de module et d’aide individualisée à hauteur de 4 heures hebdomadaires.
Il est probable que ce nouvel accompagnement va seulement remplacer ces deux dispositifs. Sera-t-il suffisant pour réduire les inégalités scolaires ?

N. Sarkozy a d’emblée en début de discours fermé la porte à tout aménagement des contenus d’enseignement et des pratiques pédagogiques. On reste donc dans la philosophie des béquilles pour élèves faibles tel que cela est pratiqué au primaire et au collège.

Cette réformette ne permettra pas de répondre aux défis de lutte contre les inégalités sociales, de remise en cause de la hiérarchie des filières et de démocratisation du système.

Par ailleurs, vu le fonctionnement actuel des lycées, il est impossible de faire l’impasse sur des moyens supplémentaires pour faire baisser les effectifs pléthoriques en lycée, pour multiplier les travaux en petits groupes, pourtant indispensables pour faire progresser les plus faibles

D’après article du Café pédagogique