Retraite des mères : les 2 ans maintenus pour les enfants déjà nés

vendredi 2 octobre 2009


Les mères garderont les deux ans de majoration de durée d’assurance dont elles bénéficient pour chaque enfant né avant la réforme. Pour ceux nés après, les parents pourront se partager les trimestres, qui reviendront à la mère en cas de silence.

Le nouveau dispositif applicable pour la retraite des mères a été - définitivement ? - établi dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) présenté le 1er octobre.

Cette décision confirme le projet arrêté le 10 septembre au cours d’un conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) - et voté par les CFDT, FO, CFE-CGC et MEDEF - qui prévoyait la remise en cause de la majoration automatique actuelle de huit ­tri­mestres (deux ans) pour les mères.

Simplement, pour mieux faire passer la pilule, les « déjà mères » sont épargnées.

Retour en arrière : pour pouvoir arriver à la durée de cotisation légale, les mères bénéficient dans le régime général (celui applicable à tous les personnels de l’enseignement privé sous contrat), d’une « majoration de durée d’assurance pour enfant » (MDA) de 2 ans par enfant.

Cela peut leur permettre, à l’âge de la retraite, d’éviter la décote applicable si le nombre d’annuités nécessaires pour une retraite à taux plein est incomplet, ou du moins de la réduire.

Or seulement 44% des femmes valident le nombre d’annuités légal (contre 86% des hommes). Cela se traduit par des montants de retraite très défavorables pour les femmes : l’écart avec les hommes dépasse les 40%. En 2004, elles touchaient en moyenne une pension de 1 020 euros contre 1 636 euros pour les hommes.

Cependant, la Halde et la Cour de cassation reprennent désormais les interprétations de la jurisprudence européenne qui voit ces mesures de « discrimination positive » en faveur des femmes comme une inégalité devant la loi.

Certes, cela prendrait en compte l’évolution - lente - des mœurs où le travail ménager et la charge des enfants deviennent mieux répartis au sein du couple. Mais il y a de la marge : les femmes consacrent actuellement 2,4 fois plus de temps que les hommes au travail domestique et 3,3 fois plus à l’éducation des enfants !

Ce sujet est particulièrement sensible pour les enseignants du privé sous contrat, lequel est encore plus féminisé que le public : 90% des enseignants sont des femmes contre 67% dans le public.

 Le projet du gouvernement (d’après la solution arrêtée par le conseil d’administration de la CNAV

Le nouveau dispositif sera applicable dès après le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le 1er janvier prochain 2010.

Suite au vote de la CNAV (par les CFDT, FO, CFE-CGC et MEDEF)
 par enfant, quatre trimestres seraient « attribués à la mère », au titre de la grossesse et de la maternité.

 Quatre autres trimestres « de majoration de durée d’assurance au titre de l’éducation du jeune enfant » relèveraient du « libre choix des parents », à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Le père pourrait en bénéficier si la mère a donné son accord (dans les quatre ans qui suivent la naissance) et s’il démontre qu’il a effectivement interrompu sa carrière pour élever l’enfant.
Ces quatre trimestres pourraient être aussi être répartis au sein du couple d’un commun accord entre les deux parents.

 « À défaut de choix du couple ou »en cas de conflit« , les quatre trimestres seraient attribués à la mère ».

Pas de changement pour les enfants nés avant la réforme : cette majoration reviendra à la mère sauf si le père démontre, avant la fin de l’année 2010, qu’il a élevé seul son enfant.

On peut bien s’imaginer les conflits que pourraient générer cette mesure : en cas de divorce, de pression de l’un sur l’autre... qui ne se manifeste pas forcément par un conflit « public ».

Les deux autres organisations dites « représentatives », CGT et CFTC, ont voté contre.

Les trois autres organisations interprofessionnelles (Solidaires, UNSA et FSU) ne sont pas membres du conseil d’administration de la CNAV puisque jugées « non représentatives ». Ce dispositif bloqué depuis 1966 prendra fin en 2013.

 Femmes et retraites : nouvelle arnaque

Communiqué Solidaires du 28 octobre 2009

Le gouvernement a annoncé, pendant l’été, une remise en cause de la MDA (Majoration de la durée d’assurances) accordée aux mères du privé par les régimes de retraites.

La MDA a été instaurée en 1924 dans le secteur public et en 1971 dans le régime général.

Dans le secteur public, la loi Fillon de 2003 a restreint ce droit qui était d’un an par enfant.
Pour les enfants nés depuis le 1er janvier 2004, une majoration est maintenue pour les mères, mais elle est réduite à 6 mois. Pour les enfants nés avant 2004, elle est maintenue et étendue aux hommes sous condition d’une cessation d’activité de deux mois au moins et d’être fonctionnaire à la date de la naissance de l’enfant ou dans les deux ans qui suivent.

Dans le secteur privé, jusqu’à présent, une mère pouvait valider huit trimestres de retraites par enfant. Cette nouvelle remise en cause se fait au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes !

Le gouvernement se justifie par une décision de la Cour de Cassation et un avis de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). La Cour a pris un arrêt début 2009 donnant raison à un père qui a élevé seul ses enfants et qui réclamait le bénéfice de la MDA, s’appuyant pour cela sur le droit européen…

Le gouvernement a d’abord envisagé une remise en cause pure et simple de la MDA durant l’été. Devant les nombreuses protestations, il a annoncé qu’il maintenait le dispositif pour les enfants nés avant 2010, mais de nouvelles mesures pour les autres.

A partir de cette date, la MDA serait divisée en deux. Il reviendrait aux parents de s’entendre sur le choix du bénéficiaire avant les quatre ans de l’enfant.

Cette mesure n’est pas acceptable

Outre qu’elle générera de nombreux contentieux et pourra donner lieu à des conflits importants entre parents, elle renvoie à un pseudo « libre choix » et à la sphère privé ce qui relève de politiques publiques pour résorber les inégalités sociales !

La MDA compense en partie, mais en partie seulement, les inégalités très fortes subies par les femmes dans leur vie professionnelle. Ce sont toujours les femmes qui assument l’essentiel des tâches familiales liées aux enfants, aux parents âgés ou dépendants…

Cette situation les empêche très souvent d’avoir des annuités nécessaires pour une retraite à taux plein, défavorise leur déroulement de carrière et les confine souvent dans les emplois peu qualifiés, mal payés et précaires.
Ce sont ces inégalités structurelles qui expliquent la faiblesse du montant de la retraite ensuite.

Le gouvernement s’abrite derrière la juridiction européenne pour justifier ces mauvais coups.
Pourtant une autre voie juridique est possible pour construire un véritable régime d’égalité et maintenir la MDA tout pendant que perdurent des inégalités hommes - femmes en matière de déroulement de carrière, d’inégalités salariales et de retraites.

Il suffirait pour cela d’une volonté politique fondée sur la notion juridique « d’action positive » pour résorber une inégalité.

Tous les textes sur l’égalité hommes - femmes (convention de l’ONU, traités et directives de l’Union européenne, réforme de la constitution française) considèrent qu’il est possible d’adopter des mesures spéciales en faveur du sexe sous-représenté, discriminé, pour prévenir ou compenser les désavantages de la carrière professionnelle.

Oui à une action positive contre les inégalités

En ce sens, la MDA pourrait être maintenue en devenant une action positive destinée à combattre les inégalités de fait, elle devrait être temporaire et proportionnelle aux objectifs recherchés de lutte contre les inégalités professionnelles.

Les statistiques officielles existantes, notamment celles du COR ou de l’Insee, permettraient une évaluation et un suivi dans le temps des évolutions liées aux mesures engagées. Cette approche permettrait aux pères qui auraient élevé seuls des enfants, en ayant subi un désavantage professionnel de pouvoir aussi bénéficier de la MDA.

Si un jour, les inégalités entre les femmes et les hommes sont résorbées et le partage des responsabilités professionnelles et familiales acquis, la MDA pourrait alors êtres supprimée…

Mais on en est loin. Jusqu’à ce moment-là, toute remise en cause de la MDA entraînera une baisse du montant des retraites servis à la grande majorité des femmes, déjà pénalisées par les contre-réformes de 1993 (secteur privé) et 2003 (fonctions publiques).

Ces mauvais coups contre les femmes préparent de nouvelles attaques plus globales programmées en 2010 par le gouvernement pour un nouvel allongement du nombre d’annuités : il y a donc urgence à ne pas laisser passer de telles mesures !

Les inégalités en chiffres :

 Le salaire moyen des femmes, tous secteurs confondus, est encore de 27 % inférieur à celui des hommes.
 30 % des femmes travaillent à temps partiel contre seulement 5% des hommes.
 Les congés parentaux sont pris à 98 % par les femmes...
 20 % des femmes sont au SMIC contre 11 % des hommes.
 Le taux d’activité des femmes décroche avec l’arrivée des enfants : elles sont 73 % à
travailler avec un enfant et seulement 40 % pour trois enfants et plus.
 En 2004, les femmes retraitées de 60 ans et plus touchaient une retraite moyenne de 1.020 euros par mois (droits propres, droits dérivés, minimum vieillesse) soit 62 % de celle des hommes. La moitié des femmes partant à la retraite est au minimum contributif, soit 590
euros par mois.
 Elles ont en moyenne 20 trimestres en moins que les hommes, en moyenne, pour le calcul de leur pension (137 contre 157). Seulement 44% des femmes ont une carrière complète contre 86 % des hommes.
 Les femmes consacrent en moyenne 2,4 fois plus de temps que les hommes au travail
domestique
.

Commentaires

  • Bien-sûr, les hommes s’investissent de plus en plus dans les tâches de la vie quotidienne et l’éducation de leurs enfants .
    Bien-sûr, certains même les élèvent seuls.
    Bien-sûr... mais là n’est pas la question.

    Celles que je me pose par exemple, sont relatives à l’actualité du moment : la fameuse grippe H1N1 (et « l’aubaine » qu’elle représente pour poursuivre le démantèlement du droit du travail).

    Qui un directeur d’école (ou un service médical), appellera-t-il « spontanément » en premier, quand un enfant présentera les symptômes de la grippe ?
    Qui imagine-t-on « naturellement » garder les enfants à la maison en cas de maladie ou de fermeture d’école ?
    Et qui donc risque de subir les lourdes conséquences d’absences prolongées ou répétées, sur son lieu de travail ?

    Ne seraient-ce pas trop souvent les mères ?

    Alors refusons cette modification qui n’est d’ailleurs peut-être, que le prélude à la disparition pure et simple de cette bonification, pour les uns comme pour les autres !

    Si inégalité il y a, elle réside dans le fait que les femmes sont trop souvent défavorisées dans le monde du travail et que bien souvent, ce sont elles qui portent le poids de ce que l’on appelle abusivement « solidarité familiale » .

    Bien-sûr, il conviendrait aussi que les hommes voient enfin garantis leurs droits de père ! Mais ça, c’est un autre combat, tout aussi légitime me semble-t-il.

    Restons solidaires.