Dérive sécuritaire à l’école

vendredi 29 mai 2009


La France, un pays dans lequel l’ancien chef de la police est devenu chef de l’État...

On en voit les conséquences tous les jours car le tout sécuritaire a pris le pas sur toutes les libertés, toutes les protections patiemment établies pour protéger les plus vulnérables, dont un enfant de 6 ans interpelé par la police à la sortie de l’école pour un supposé vol de vélo, après tous les enfants de « sans papiers ».

Un pays où, sans limites, un ministre dit de l’éducation peut proposer des mesures toujours plus graves pour la liberté des individus, et qui témoigne d’une défiance vis à vis de la jeunesse de son pays dont il a pourtant la charge.

Ci-dessous communiqué de Sud Education sur les "mesures annoncées par N. Sarkozy, une comparaison avec ce qui a échoué ailleurs ainsi que des mesures souhaitables.

 Communiqué de la Fédération Sud éducation

Le 15 mai 2009, au collège de Fenouillet en Haute-Garonne, une enseignante est attaquée d’un coup de couteau par un élève de 5e puni la veille pour un devoir non fait. Treize jours plus tard, Nicolas Sarkozy, dans une intervention bien sûr très médiatisée, annonce son programme de lutte contre l’insécurité, suivant ainsi les conseils de son ministre de l’Education Xavier Darcos :
 « les personnels de direction et d’encadrement recevront une habilitation spécifique qui leur permettra de faire ouvrir les cartables et les sacs »
 « chaque recteur (pourra) disposer d’une équipe mobile d’agents »
 « Possibilité d’ouvrir la réserve civile de la police nationale » (retraités, volontaires) pour sécuriser des établissements scolaires
 « moyen fondamental de la politique de sécurité », l’utilisation de la vidéo surveillance et l’installation de portiques électroniques dans les établissements scolaires.

Le gouvernement adopte ici un schéma désormais classique :
 une réaction à chaud qui veut paraître musclée du type « Vouloir c’est pouvoir » (c’est Victor Hugo qu’il assassine !)
 une exploitation éhontée de la détresse suscitée par le drame de Fenouillet
 une application systématique de ce que Naomi Klein nomme « la Stratégie du Choc » ; la journaliste canadienne a démontré, en effet, comment les gouvernements profitent des contextes les plus tourmentés pour mettre en œuvre des réformes économiques néolibérales majeures qui seraient impossibles en temps normal.

Le drame de Fenouillet est exploité en un temps record pour activer des mesures 100% sécuritaires. A 10 jours des élections européennes, c’est une aubaine politique et idéologique.
C’est aussi une manne économique avec l’occasion de développer le marché juteux de la vidéo surveillance et des portiques électroniques.

La Fédération Sud Education dénonce ces mesures sécuritaires qui généralisent le soupçon, le contrôle social, et la répression à l’encontre des plus précaires, le recours à une surveillance électronique globale dans les établissements scolaires qui constitue un degré supplémentaire dans la valorisation des méthodes anti-démocratiques aux dépens des valeurs éducatives et citoyennes censées y être transmises.

Ces moyens ne permettent non seulement pas de compenser la diminution organisée de l’encadrement humain dans les établissements, mais ils sapent les fondements de l’institution scolaire et la crédibilité de ses représentants.

Au collège de Fenouillet, des enseignants avaient dénoncé les classes surchargées et avaient demandé le classement de leur établissement en ZEP ; des parents d’élèves avaient déploré le manque d’Assistante sociale et de Conseiller d’Orientation.

Est-il sain, pour le futur citoyen, de lui faire croire qu’il sera mieux - plus libre car plus en sécurité - dans un environnement où l’on diminue constamment la présence humaine mais où l’électronique assure le contrôle social ?

Il est utile de rappeler à Sarkozy qui prétend s’inspirer de Victor Hugo que « celui qui ouvre une école ferme une prison ».

 Des mesures liberticides tentées ailleurs

S’agissant de la responsabilisation des parents, on sait qu’en Angleterre les parents sont par exemple passibles d’amende et de prison en cas d’absentéisme de leur enfant.
Malgré la multiplication de ces peines, le taux d’absentéisme ne cesse de progresser. Encore faudrait-il que le lien soit établi entre violence scolaire et démission parentale.

L’installation de portiques pour filtrer les élèves semble davantage être là pour faire porter la responsabilité des incidents par les collectivités locales que pour apporter une réponse sérieuse.
Il est impossible de faire passer des centaines d’élèves rapidement sous un détecteur à moins de vouloir supprimer quelques cours…

L’exemple du lycée de Gagny où a eu lieu une intrusion montre qu’un établissement peut être sécurisé (sas, cameras vidéo) sans pouvoir empêcher des intrusions au moment où des centaines d’élèves entrent.

Quant à l’idée d’une force de police spécialisée, elle n’empêcherait évidemment pas les violences graves dont on connaît le caractère spontané. Est-il utile de préciser qu’inviter les enseignants ou chefs d’établissement à se comporter en shérifs semble davantage à même d’encourager la compétition violente à leurs dépens qu’à calmer le jeu ?

C’est déjà le quatrième plan anti-violence scolaire lancé par Darcos.
En janvier 2008, il disait : « Je ne saurais accepter la multiplication des entorses à la tranquillité nécessaire à l’apprentissage. Je ne saurais accepter la banalisation des faits de violence ».
En 2002, ministre délégué de Luc Ferry, il avait lancé un autre plan contre la violence scolaire. « L’objectif est de faire baisser la violence de moitié en cinq ans » promettait-il. Sept ans plus tard, la situation ne semble pas avoir beaucoup progressé… Elle marque juste l’incompétence des plans précédents.

Et il faut rappeler que les 17 lois sur la sécurité depuis 2002 n’ont pas empêché les violences faites aux personnes de progresser de 14%... Bravo Sarko !

 Violence scolaire, d’autres moyens d’y remédier

Si chaque cas de violence grave est choquant et inadmissible, ces cas sont néanmoins rarissimes.

La violence scolaire quotidienne c’est le harcèlement qu’exercent certains élèves sur d’autres élèves. Celui-ci est un facteur important de décrochage scolaire et de perte de niveau. Il décourage les élèves qui en sont victimes.

Eric Debarbieux, qui mène en ce moment avec la mairie de Paris une expérience originale, estime qu’il y a des facteurs propres aux établissements dans leur organisation matérielle.

La baisse du nombre de surveillants, des recoins mal contrôlés sont par exemple des facteurs de violence.

Il y a surtout des causes à chercher au cœur même du fonctionnement de nos établissements. C’est la solitude des enseignants et l’anonymat des élèves qui favorisent le harcèlement - qui reste de très loin la plus importante violence scolaire.

C’est la qualité des relations avec l’environnement de l’établissement qui est aussi en jeu.

Enfin la violence scolaire explose à la rencontre entre l’état de notre école et celle de notre société. Envisagerait-on un mur autour des quartiers sensibles ?

D’après éditorial du Café pédagogique