La lettre ouverte de Philippe Meirieu à Xavier Darcos

mercredi 31 décembre 2008


« Nous tenons l’un et l’autre à sauvegarder l’héritage républicain de l’Éducation nationale. Et nous savons que, pour le sauvegarder, il faut le transformer. Mais pas le démanteler ! Or, aujourd’hui, vous ne pouvez pas ignorer qu’une très grande partie des enseignants considère que vous êtes le maître d’œuvre de ce démantèlement, dont le maître d’ouvrage est à l’Élysée. Il ne suffira pas de vous récrier pour les apaiser. Il faut vraiment et radicalement changer de politique… » Cet appel, Philippe Meirieu, l’appuie sur une analyse de la politique ministérielle qui sonne comme un bilan.

Article du Café pédagogique

Plus que l’échec de la réforme du lycée, présentée comme le résultat des concessions faites aux conservateurs de l’École, le pédagogue souligne une remise en cause des principes de l’École républicaine.

P. Meirieu dénonce une politique scolaire qui cherche à faire face aux difficultés en « externalisant le traitement des difficultés d’apprentissage vers une multitude de structures de soutien ou en les traitant de manière technocratique à l’aide de prothèses pharmaceutiques et paramédicales ». Pour lui, cette politique, qui satisfait sans doute une partie des enseignants, « vide inexorablement la classe de sa substance. Au lieu de travailler à mobiliser tous les élèves sur les savoirs, on se résigne petit à petit au darwinisme scolaire systématique : les déversoirs sont là pour récupérer les inadaptés ! »

À terme c’est l’identité professorale qui est atteinte. « Monsieur le Ministre, votre politique décourage les enseignants parce qu’elle met à mal leur identité de « professeurs ». Dans un système où le libéralisme et la technocratie s’associent de plus en plus pour permettre le développement des stratégies individuelles de « réussite », les enseignants sont réduits à des dépisteurs, à des orientateurs, voire à des douaniers… eux qui ont la vocation de « passeurs » chevillée au corps. Résultat : le moral des troupes est au plus bas partout et les enseignants du primaire sont, eux, « au fond du trou » ». Le résultat c’est la forte mobilisation des enseignants du primaire.

P. Meirieu invite le ministre à organiser des États généraux de l’éducation. « Plus encore que d’ « États généraux du lycée », c’est de véritables « États généraux de l’Éducation » dont nous avons besoin, afin de remettre à plat l’ensemble des projets éducatifs du gouvernement, de construire une véritable alternative républicaine cohérente…, clarifiant les responsabilités de chaque partenaire…, afin de dégager des principes d’actions sur lesquels s’adosser pour penser notre avenir. Il faut cesser de juxtaposer des réformes dictées par le seul souci de réduire l’importance de la fonction publique, de faire des économies à court terme ou de satisfaire tel ou tel lobby proche du pouvoir. Il faut se demander à quelles conditions nos enfants peuvent affronter sereinement le monde, en comprendre les problèmes et construire ensemble une société plus solidaire... Y êtes-vous prêt Monsieur le Ministre ? »

Commentaires