Réforme du lycée : oui, mais laquelle ?

lundi 17 novembre 2008


RÉFORME DU LYCÉE : OUI, MAIS LAQUELLE ?

Celle qui vise la qualité et la réussite de tous ou celle qui conduit à faire des économies et à s’assurer de la formation d’une élite seulement ?

Pour Messieurs Darcos et de Gaudemar les objectifs affichés sont « la rupture avec une organisation trop figée des voies en séries », une plus grande souplesse et une plus grande liberté individuelle dans les parcours, une plus grande marge d’autonomie aux établissements ; la semestrialisation des enseignements serait le bon « outil » pour atteindre ces objectifs.

Ne cédons pas à cette opération démagogique qui vise à neutraliser :

  • les lycéens leurrés par un sentiment de liberté dans le choix de leur formation (parcours à la carte)
  • certains syndicats
  • des chefs d’établissement séduits par une logique de marché (mise en concurrence des établissements, clientélisme…)

Une réforme est nécessaire, les propositions ne sont pas inintéressantes mais pour réussir sa mise en application et pour qu’un maximum d’élèves en tire profit, il ne faut pas qu’elle soit mise en place dans l’urgence et de gros moyens sont nécessaires.
Comment cela est-il possible alors que l’on sait, depuis l’annonce de celle-ci, qu’elle est avant tout destinée à réduire le budget de l’Éducation Nationale ?
Comment est-il possible de la mettre en œuvre en seconde à la rentrée 2009 alors que seule la seconde est officiellement réformée, les niveaux de première et de terminale sont encore en discussion, sans parler de l’évolution du Baccalauréat ?
La réforme du lycée exige des moyens financiers, du temps, de la réflexion et de la concertation. L’imposer dans l’urgence c’est, sans doute, la vouer à l’échec et conduire de nombreux élèves à une impasse.

Qu’est-ce que la Réforme DARCOS ?

La « brique » de cette nouvelle architecture serait le module semestriel de 3h (soit 50h/an), que ce soit pour la Seconde ou le cycle terminal.

CLASSE DE SECONDE

  • L’horaire hebdomadaire de l’élève serait fixé à 30 heures.
  • La répartition des enseignements en terme de temps scolaire serait respectivement de 21h pour l’enseignement général, 6h pour l’exploration et 3h pour l’accompagnement.
    Pour les enseignements modulaires, il y aurait sur l’année 4 modules d’exploration et d’approfondissement et 2 d’accompagnement.

CYCLE TERMINAL (proposition car le « projet reste à l’étude » sic Darcos)

  • La répartition des enseignements en terme de temps scolaire serait de 45%, 45% et 10%, avec 16 modules généraux et 16 modules de spécialisation sur l’ensemble du cycle.
  • La « coloration » du parcours serait assurée par les modules de spécialisation répartis en quatre domaines : humanités et arts, sciences, sciences de la société, technologies (cette dernière pourrait être divisée en sous-parcours SMS, STI, STG...), l’élève devant choisir au moins neuf modules d’une même famille.
    C’est la disparition des voies et séries pour des dominantes.

BACCALAURÉAT

  • « La nouvelle organisation (du lycée) aura des conséquences sur le rapport relatif entre les épreuves finales et le contrôle continu » (interview du recteur de Gaudemar au journal La Provence, le 17/07/2008).
  • Darcos, lui, affirme dans son intervention du 21 octobre 2008 « cette nouvelle organisation du lycée n’implique pas de réforme du Baccalauréat » (!!!)
    L’organisation du bac pourrait être modifiée : moins d’épreuves finales, beaucoup de contrôle continu.
    En fait rien n’a encore été précisé sur les modalités d’évaluation et l’architecture du (ou des ?) baccalauréat(s).
Architecture prévue par la réforme
SECONDE 1080h de cours annuel sur 36 semaines, réparties sur 2 semestres séparés par une semaine de bilan et d’orientation
Enseignement général (21h hebdo) Français, maths, LV1 et LV2, EPS, histoire-géographie, sciences expérimentales.
4 modules d’exploration et d’approfondissement (6h hebdo) Classés par domaine (* voir détail ci-dessous). L’élève choisit parmi au moins 2 domaines.
2 modules d’accompagnement (3h hebdo) Remise à niveau / Travaux interdisciplinaires / Aide à l’orientation. Cadre national mais définition par établissement

Cette organisation est complétée par 4 conseils de classe au lieu de 3 aujourd’hui, 2 à mi-semestre, pour faire avec les élèves un point sur leurs difficultés, et 2 de fin de semestre notamment sur l’orientation.

*Les différents domaines exploration et approfondissement sont les suivants :

Humanités : Littérature française / Langues et cultures de l’Antiquité (latin, grec) / Langues vivantes étrangères ou régionales / Arts et histoire des arts
Sciences : Mathématiques / Physique-chimie / SVT / Informatique et société numérique
Sciences de la société : SES / Initiation aux sciences de gestion / Histoire et géographie
Technologies : Initiation aux sciences de l’ingénieur et de la production /Initiation aux sciences médico-sociales / Techniques d’atelier et de laboratoire /Design / Initiation aux technologies de l’hôtellerie et de la restauration / Activités physiques et sportives

 

PREMIÈRE ET TERMINALE Environ 900 heures par an ?
32 modules sur 2 ans 16 d’enseignements généraux (45%) : français (2 modules), LV1 et LV2 (6 ou 7 modules), philosophie (2 modules dont un possible dès la première ?), EPS (2 ou 3 modules), sciences (Maths / Sciences expérimentales) et sciences sociales (Histoire-Géo / SES) = 3 modules
Au moins 9 modules d’une famille pour définir « la coloration » Science ou Technologie… 16 de spécialisation (45%) : au moins 9 modules d’une famille pour définir « la dominante » (Science, Technologie…), les 7 autres pour soit renforcer la dominante, soit rechercher une polyvalence (modules d’autres dominantes)
10% d’accompagnement (4 modules sur les 2 ans ?) : relève de l’ « autonomie des établissements »

Analyse du SUNDEP

L’horaire pour les élèves passe à 30 h/semaine. Le ministère a abandonné son projet d’un passage à 27h, qui conduisait déjà à la suppression de 3 500 à 4 000 postes. Les luttes sont payantes.

Les sciences expérimentales sont finalement présentes dans les enseignements fondamentaux par un module interdisciplinaire. Mais, en masse d’heures, la perte liée à la fusion de la SVT et de physique-chimie conduira à une diminution importante de postes.

Le décloisonnement des filières annonce des regroupements d’effectifs pour économiser des moyens, et donc, des pertes de postes et des groupes plus lourds à gérer au quotidien.

Les modifications structurelles (modules, intégration de l’ « accompagnement » dans le service de base…) pourraient entraîner une annualisation du temps de travail et le développement de la polyvalence, ainsi qu’un alourdissement des horaires des profs (accompagnement des élèves en plus ?). Le ministère parle maintenant d’une ISO « revalorisée », ce qui semble correspondre à l’idée d’augmentation du temps de travail contre une prime un peu augmentée … et précise que les enseignants « devront être plus présents, notamment pour accompagner les élèves en difficulté »…

Les élèves seraient évalués à la fin des modules, toutes les 18 semaines. Mais les modules seront-ils des unités capitalisables ? Conditionneront-ils le passage en classe supérieure ? Le Ministère semble naviguer à vue…

Les bacs technologiques sont particulièrement visés par le resserrement des moyens. Il faut dire qu’un rapport de l’inspection générale préconisait il y a un an leur suppression et leur rattachement aux filières générales. Ils coûtent plus cher que les autres.

Toutes les réformes proposées depuis 2002 s’inscrivent dans la logique d’audits financiers : pour le lycée, l’audit préconisait la baisse de 20% des moyens. C’est en effet la philosophie qui semble primer dans ce projet, au détriment des élèves et principalement des moins armés socialement.

La conception modulaire risque d’aggraver les inégalités entre ceux qui sauront choisir les bons modules garants d’une poursuite d’études efficaces, et tous les autres qui empileront des modules sans cohérence (ou qui n’auront pas accès à certains, absents de leur établissement).

Dans ce dispositif, les enseignants (hormis ceux retenus dans les enseignements généraux) vont se retrouver dans la position de commerciaux pour séduire les élèves !
D’autre part, seuls les programmes des « enseignements généraux » seront prêts à la rentrée 2009 !

Les difficultés vont être grandes pour bâtir l’emploi du temps sur la base de l’enseignement semestriel, en combinant apprentissages fondamentaux et enseignements de choix. Une option serait étudiée 3 heures par semaine (bloc de 50 heures semestrielles) puis approfondie ou non au cours d’un autre module.

LA RÉFORME DES CONCOURS D’ENSEIGNANTS

Elle serait mise en place dès 2010.

  • Les enseignants passeront désormais le concours à bac plus 5 (niveau master 2).
    Les candidats devront donc financer deux ans de plus de formation, l’État économisera une année de salaire !
  • Les nouveaux cursus mettront fin à la formation en alternance (stagiaires IUFM).
    À l’issue du concours, les lauréats seront mis « en situation de pleine responsabilité » et bénéficieront seulement de l’aide de « professeurs expérimentés ». Cette simple disposition économise 24 000 postes par an …
  • Cette réforme organise aussi la dissociation de la formation et du recrutement :
    aux universités la conception et la mise en œuvre des formations, au ministère l’organisation des concours. Le risque est une formation plus théorique, organisée par des formateurs uniquement universitaires qui pourraient enfermer les enseignements dans une logique purement disciplinaire oubliant Didactique et Pédagogie. L’État, en se réservant l’organisation des seuls concours, abandonne toute ambition de promotion de nouvelles approches éducatives ou pédagogiques.
  • Le ministère présente aux syndicats un projet qui séparerait concours et accès à l’emploi : le lauréat, s’il n’était pas recruté dans les 3 ans, perdrait le bénéfice du concours.
    La version définitive des nouvelles maquettes des concours, adaptée à chaque spécialité, devrait sortir bientôt. Le projet prévoit la réduction du nombre d’épreuves (4 contre 5 à 8 actuellement, ce qui participe bien sûr d’un plan d’économie) et un poids plus grand donné aux épreuves orales (60% oral, 40% écrit).Le niveau d’exigence disciplinaire pour les deux épreuves écrites sera celui de la licence.
    En 2009, 14 000 postes seront mis aux concours ; il y avait 23 000 postes en 2008.

Des actions ont déjà permis de modifier le projet initial.
Restons mobilisés pour améliorer encore cette copie et faire en sorte que les conditions de travail des enseignants ne se dégradent pas davantage.

Télécharger le tract

Commentaires

  • Estimation d’un chef d’établissement du public sur son blog :

    1) Dans la classe de seconde actuelle, les élèves, grâce aux enseignements obligatoires d’une part (tronc commun + enseignements obligatoires de détermination), et optionnels facultatifs, bénéficient d’un volume horaire hebdomadaire de 30 à 34 h par semaine (un peu plus de 32 en moyenne), contre 30 désormais. Il y a donc indéniablement diminution du volume horaire offert. Il en ira évidemment de même en première puis terminale, mais pour ces deux niveaux, les grilles horaires ne sont pas encore présentées à ce jour (elles devraient l’être d’ici fin décembre).

    2) En multipliant cette réduction moyenne de 2h/classe, par le nombre de classes de seconde au niveau national (très exactement : 16.577 divisions (classes) de seconde installées en 2007-2008 dans les lycées publics et privés sous contrat), cela donne une récupération de plus de 330.000 heures par an.

    3) Divisé par 20 (le service obligatoire d’un prof certifié + 2 h éventuelles supplémentaires), cela donne un potentiel de 16.000 équivalents temps plein susceptible d’être récupéré, pour la seule classe de seconde. Même en tenant compte du fait que ce n’est pas une façon réaliste de faire les calculs, les classes de ne partageant pas de façon purement mathématique, chacun estime à environ 12.000 le nombre d’emplois susceptibles d’être ainsi récupéré.

    En ajoutant ce qui se prépare pour le cycle terminal, cela donne … le vertige.

    4) pour la seule suppression de l’année de stage suite aux concours des 1er et 2nd degré, suppression de 24.000 équivalents temps plein ...