Représentativité syndicale : petits arrangements entre amis !

jeudi 10 avril 2008


Un projet de « position commune sur la représentativité, le dialogue social et le financement du syndicalisme » a été arrêté entre les seules confédérations dites “représentatives” et le patronat (réunies au siège du MEDEF !).

Le gouvernement devrait le transposer dans la loi avant l’été.

Ces nouvelles dispositions concernent les salariés du secteur privé mais auront, sans nul doute, des conséquences sur la représentativité dans le secteur public.

L’affaire de la caisse noire de l’UIMM a montré à quel point le système actuel ne correspondait plus aux règles démocratiques élémentaires, et pouvait même nourrir les pratiques les plus perverses. Ainsi pour une partie du patronat, qui n’hésite pas à utiliser sa puissance financière pour corrompre des représentants des salariés.

Le système est en effet figé depuis 1966, pour les salariés autour de 5 organisations interprofessionnelles dites « représentatives » (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC), seules bénéficiaires de subventions et d’aides diverses, pour lesquelles la part des cotisations dans leur financement est désormais nettement inférieur à 50%, et donc où l’adhérent ne compte plus autant.

Pourtant, 3 autres organisations se sont affirmées depuis (UNSA, FSU et Solidaires, le SUNDEP étant affilié à cette dernière), qui comprennent éventuellement plus d’adhérents mais qui doivent compter sur les seules cotisations.

Solidaires demande une réforme profonde des règles de représentativité, qui intègre enfin les principes démocratiques.

Ci-dessous communiqué de Solidaires sur le projet arrêté, et 2 fiches sur les financements des confédérations et leurs effectifs réels.

 COMMUNIQUÉ DE SOLIDAIRES DU 10 AVRIL 2008

Les négociations engagées depuis fin janvier, entre le MEDEF et les cinq confédérations dites représentatives, se sont conclues cette nuit par un projet de « position commune sur la représentativité, le dialogue social et le financement du syndicalisme ».

Son contenu est soumis à l’accord des négociateurs, et il appartiendra ensuite au gouvernement de le transposer dans la loi avant l’été.

Ces négociations auraient dû permettre d’avancer enfin sur des principes et des règles permettant une réelle démocratie sociale tant en matière de représentativité syndicale que de validité des accords. On est loin du compte !

La représentativité syndicale sera jugée sur 7 critères, (au lieu des 5 actuels), qui deviennent cumulatifs.

L’audience, dans les élections professionnelles au sein des entreprises, devient un critère important. Mais pour se présenter aux élections, il faudra une ancienneté de 2 ans. On peut craindre qu’avec le délai de 4 ans entre deux élections, on pourra arriver à des situations extrêmes où il faudra quasiment 6 ans d’existence pour être enfin reconnu dans une entreprise !
Cette disposition représente un frein à l’activité syndicale : pendant deux ans minimum, on ne pourrait avoir les moyens d’une activité syndicale puisque sans possibilité d¹être reconnu représentatifs.

Un seuil de 10 % est fixé pour atteindre cette représentativité dans les entreprises, mais de seulement 8 % au plan national. Le seuil retenu, et sa modulation, ont été établis pour permettre à certaines confédérations de préserver leur position actuelle.

Une période transitoire de quatre à cinq ans est mise en place pour permettre à ceux qui sont déjà en place de garder leur représentativité nationale interprofessionnelle et dans les branches.

La validité des accords sera conditionnée à la signature des syndicats représentant au moins 30% des salariés ; un bilan sera fait mais on est encore très loin du principe de l’accord majoritaire !

Ces négociations se sont faites entre organisations bénéficiant a priori de la présomption de représentativité et qui ont tout fait pour préserver leurs intérêts. Le MEDEF a refusé que soit abordé la question de sa représentativité sur laquelle on peut pourtant s’interroger au vu de ses dernières turpitudes internes et du scandale des caisses noires de l’UIMM !

Pour l’Union syndicale Solidaires, cette position commune élaborée entre le patronat et confédérations ne répond pas à notre exigence de démocratie !

Les salariés doivent pouvoir choisir librement qui les représente. Chaque organisation doit être traitée avec les mêmes critères au plan national, comme au plan local et il n’y a aucune raison de maintenir, même de façon transitoire, une forme de présomption irréfragable.

Pour l’Union syndicale Solidaires, la représentativité nationale interprofessionnelle doit se mesurer en prenant en compte les élections prud’hommes et les élections dans les fonctions publiques : c’est le cumul des deux qui est le mieux à même de mesurer, au plan national, le poids réel de chaque organisation syndicale !

C’est sur ces bases que l’Union syndicale Solidaires va intervenir auprès du gouvernement qui s’est engagé à légiférer avant l’été.

Propositions de l’Union syndicale Solidaires

 Abrogation de l’arrêté de 1966 et de la loi Perben (Fonction publique).
 Liberté de présentation au premier tour des élections professionnelles pour tout syndicat légalement constitué et indépendant.
 L’élection comme fondement de la représentativité.
 Au niveau national, la représentativité interprofessionnelle devrait être fondée sur les résultats aux élections prud’hommes et aux élections paritaires dans la Fonction publique, résultats cumulés afin que cette représentativité concerne bien tous les salariés, privé et public.
 Au niveau des entreprises et des branches, le résultat aux élections professionnelles doit être le critère pour déterminer qui est représentatif.
 La validité d’un accord doit être fondée sur le fait qu’il recueille la signature d’une ou plusieurs organisations syndicales représentant une majorité de salariés.
 Le financement des organisations syndicales ne peut se faire que sur des critères transparents et sur des principes d’égalité de traitement entre les organisations syndicales.

 BUDGETS DES CONFÉDÉRATIONS DITES REPRÉSENTATIVES

Pour ces organisations, qui bénéficient d’une série d’aides dues à leur privilège de « présomption de représentativité », attribué selon des critères désormais totalement désuets, les cotisations ne représentent qu’une partie désormais minoritaire de leurs ressources.

Montant du budget (en millions d’€)Part des cotisations
CFDT 41 42%
CGT 24 50%
FO 23 50%
CFE-CGC 15 25%
CFTC 12 17%

Source : Le Monde d’après les données fournies par les syndicats eux-même.
Mais ces estimations « volontaires » sont sujettes à caution : dans une étude sur la CGT, l’Institut Supérieur du Travail estimait que la part des cotisations dans le budget confédéral en 2004 était de 32,3% (au lieu de 50%). Il est probable que les autres doivent subir des correctifs équivalents.

Or, une enquête de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), menée en 2004 dans cinq pays européens - Belgique, Suède, Allemagne, Italie, Grande-Bretagne -, a montré que « les cotisations représentent en moyenne 80 % du financement des syndicats ». Avec 400 millions d’euros, les syndicats belges perçoivent deux fois plus de cotisations que les cinq confédérations françaises représentatives réunies !

Le financement des syndicats français est, comme le souligne le rapport du conseiller d’Etat Raphaël Hadas-Lebel (mai 2006), « caractérisé par une grande opacité ». Les syndicats « représentatifs perçoivent, en plus des cotisations, des rémunérations pour leurs »missions d’intérêt général" (formation professionnelle, sécurité sociale) et des subventions publiques.

Cette non transparence, mais aussi le peu de lien entre nombre de syndiqués et financement réel qui n’incite pas les syndicats à répondre aux attentes de leurs adhérents, expliquent pour une part la faiblesse du syndicalisme français (taux de syndicalisation autour de 8 %, 5 % dans le secteur privé).

La transparence est aussi à affirmer pour les effectifs de syndiqués.
En la matière, nous sommes heureux d’être dans une organisation (Solidaires) qui pratique la vérité des chiffres !

 EFFECTIFS RÉELS DES ORGANISATIONS INTERPROFESSIONNELLES

Nombre d’adhérents déclaréNombre d’adhérents réel
CGT 720.000 523.800
CFDT 803 000 447 100
FO 800.000 311.350
UNSA 360.000 135.000
FSU 165.000 120.000
CFTC 141.000 106.000
CFE-CGC 140.000 82.000
Solidaires 90.000 80.000

D’après l’étude « Les syndiqués en France (1990-2006) », D. Andolfatto, D. Labbé, IEP-CERAT (2007)