Personnels de droit privé : où va-t-on dans le transfert de salariés ?

vendredi 11 août 2006


L’histoire édifiante d’une employée de service que nous avons défendue aux prud’hommes ... à son bénéfice.

Au delà, cette histoire éclaire sur les méthodes de plus en plus cyniques utilisées pour la gestion des personnels par certaines OGEC.

Madame X est employée de service depuis plusieurs années à la Sainte-F...
Elle prend connaissance d’un nouveau contrat le 20 juin 2003, juste avant les congés d’été. Son employeur l’association Sainte-F... a décidé de transférer sans concertation des salariés assurant le ménage à une entreprise de sous-traitance : « A... ».

Cette décision prendra effet dès le 1er septembre 2003. Madame X la refusera par courrier en juillet 2003, en développant notamment l’argument que son contrat de travail définit un lieu fixe et non une zone géographique qui la ferait devenir mobile.

Accepter ce nouvel employeur provoquerait le changement de convention collective, ce qui modifierait sa qualification et son salaire.

Ce changement modifie son contrat de travail et nécessite son acceptation. Or l’article L 122-12 du code du travail précise « tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise » et note que l’acceptation du salarié doit être claire et non équivoque si novation du contrat de travail (SOC 27 avril 1984 : Bull. civ. V, n°162).

Suite à ce courrier, l’employeur adaptera ce nouveau contrat en fixant le lieu de travail identique au contrat précédent, et déclare qu’au titre de L’article L 122- 12, il n’y a donc plus problème au transfert d’activité sans tenir compte du refus de Madame X.

Dès le 1er septembre, celle-ci est transférée à « A... », qui devient son employeur et à qui elle doit désormais s’adresser.

Madame X refusera, malgré des lettres d’intimidation d’une société d’avocats travaillant pour « A... ». Pendant plusieurs mois, son salaire ne lui est pas versé car Madame X ne transmet aucun papier administratif à cette société qui lui est inconnue et avec laquelle elle n’a rien signé.

Un premier jugement au tribunal des référés donne raison à Madame X pour que la Sainte F... lui paye ses salaires.
En effet pour les juges, une entreprise qui assurait elle-même son service de nettoyage ou de restauration et qui le confie ultérieurement à un prestataire de service ne réalise pas le transfert d’une entité économique autonome comme le prévoit l’article L 122-12, c’est-à-dire
qu’il faut pour que l’article s’applique « le rassemblement d’hommes et de moyens matériels, une capacité à exister de façon indépendante et à développer à son tour une entreprise viable ».

Un employeur doit d’abord entamer un licenciement, et ce n’est que par la suite, et si le salarié est d’accord, que le nouveau prestataire est tenu de prendre les anciens salariés.

Ensuite au conseil des Prud’hommes, la Sainte F... finira par accepter, au cours d’une conciliation, de verser 1 000 euros de dédommagement à Madame X. Elle régularise les procédures qu’elle aurait dû entamer si elle n’avait pas fait la sourde oreille en adoptant une attitude très paternaliste : « mais on lui trouve du travail, qu’est-ce qu’elle peut demander de mieux dans la période actuelle ».

Madame X en avait alors un à la Sainte-F... « Cette somme de 1 000 euros réclamés, c’est énorme », a-t-on entendu ...
Quand Madame Guilhot ne touchait rien, cela ne leur paraissait pas énorme. Comme défenseur j’ai entendu le responsable parler de la spécificité de l’enseignement privé digne des discours habituels de droite ...

Il est à noter que le groupe « A... » prend de plus en plus de marchés du nettoyage dans l’enseignement privé un peu
partout en France. Par ce biais ne fait-on pas entrer dans les établissements la méthode : faire le plus de profit au détriment des salariés ?

Cette même entreprise s’est déjà illustrée en supprimant des heures à une salariée pour maintenir le prix du repas
dans une fourchette compétitive.

C’est dans cette logique qu’un nombre important d’établissements rentrent en transférant leur personnel non enseignant à des entreprises de sous-traitance.

Pour un responsable de la Sainte F..., il n’y a pas d’ambiguïté. Lors d’une audience il déclare : « nous sommes fait pour enseigner, pas pour nous occuper des affaires de ménage ». Cela en dit long sur la considération que cet établissement réserve aux membres du personnel de service.

On imagine aisément les difficultés qu’a vécues Madame X face à un tel employeur qui a préféré le licenciement économique plutôt que de garder une salariée corvéable à merci.

Se battre contre ces transferts d’une partie du personnel des établissements rejoint l’action menée dans l’enseignement public pour ne pas couper les équipes éducatives en transférant le personnel TOS aux collectivités locales.