Scolarisation obligatoire à 3 ans : enjeu d’égalité ou de contrôle social ?

dimanche 8 avril 2018


Des « Assises de l’école maternelle » se sont tenues les 27 et 28 mars derniers. Le président de la République a profité de cette occasion pour annoncer l’abaissement de l’âge obligatoire de scolarisation, fixé désormais à trois ans, au lieu de six jusque-là. Cette disposition vise-t-elle plus d’égalité, ou un contrôle social accru des familles habitant les quartiers populaires ?

Les assises des maternelles

Les « assises de la maternelles » se sont déroulées fin mars. Elles ont été annoncées non par le ministre mais par un article de Boris Cyrulnik dans le journal Ouest France en janvier dernier. Selon notre ministre, son but est de faire de la maternelle, l’école de la bienveillance, de l’épanouissement et du Langage. Or les propos de l’organisateur de ces assises Boris Cyrulnik a un petit parfum de Xavier Darcos, premier ministre de l’éducation de l’ère Sarkozy qui trouvait en son temps que les enseignants-es à bac plus cinq étaient trop qualifiés-es pour changer les couches. Qu’on en juge « Le moment où les enfants accèdent à la parole est essentiel. Or les adultes qui s’occupent des enfants ont souvent une bonne formation intellectuelle, mais pas toujours adaptée à l’enfance préverbale. L’expérience montre que les enfants ne s’attachent pas forcement à celui qui a le plus de diplôme, mais à celui qui établit les meilleures interactions avec lui » …

Le ministre se sert de Cyrulnik et sa réputation comme caution, celui-ci est présenté comme plus « spécialiste de la petite enfance » que les enseignant-e-s. La démarche adoptée actuellement mène parents et élèves à une confusion sur le rôle de l’école et sur le métier d’enseignant-e . C’est ce que sous-entend Cyrulnik avec de fausses évidences : « Certains professeurs en maternelle ont un excellent niveau intellectuel mais n’ont jamais tenu un enfant dans les bras ». Cependant, les classes de maternelles sont le lieu d’une rupture qui peut être à haut risque mais qui est nécessaire : quitter le monde de la maison pour celui du monde extérieur. L’acquisition du langage et de la compréhension est du domaine de la famille et de la vie quotidienne. C’est à l’école que l’élève découvre le langage des apprentissages, un instrument pour penser, expliquer, apprendre …

Ce manque d’ambition dans les objectifs pour les classes maternelles n’est-ce pas de les transformer en « jardins d’enfants » ce qui permettrait d’ « accueillir » un plus grand nombre d ‘élèves, toujours dans le cadre de la réduction du nombre de fonctionnaires, préconisée par le gouvernement.
L’annonce a été faite de l’instruction obligatoire à partir de 3 ans et non plus de 6 ans, comme à l’heure actuelle. Cette annonce devrait toucher les 3% d’enfants qui ne sont pas encore scolarisés, soit 20 000 à 30 000 élèves. Aujourd’hui en France, il y a en moyenne un enseignant pour 23 enfants, contre un pour 14 dans les pays de l’OCDE. « C’est ce chiffre que préconise le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, car les dernières études en neurosciences montrent qu’un enfant attaché à son enseignant apprend mieux » (source france info). Beaucoup d’écoles maternelles accueillent actuellement plus de 30 – voire 35 – enfants par classe. Or, il n’a été fait aucune mention de moyens supplémentaires tant au niveau humain que financier, problème d’autant plus prégnant qu’il concerne aussi les modalités du dédoublement des classes de CP et de CE1, évoqué par le ministre depuis la rentrée dernière.

Le rôle des ATSEM devrait être renforcé, en particulier au niveau de la « dimension affective ». Des formations conjointes enseignants-es/ATSEM seraient mises en place, mais là encore sans mention de moyens.
La scolarisation des élèves de 3 ans pourrait aussi impacter les mairies par l’obligation de verser le « forfait communal » à tout enfant scolarisé en classe maternelle et primaire, comme ce doit être fait à l’heure actuelle pour tout élève scolarisé en classe élémentaire des écoles privées en contrat d’association.