Débat « présidentielles » : temps de travail des enseignants et « coût » de l’éducation en France

samedi 18 novembre 2006


Dans le débat en cours, beaucoup d’approximations, de clichés, sont maniés par ceux qui veulent contraindre les enseignants à une remise en cause, non négociée bien sûr, de leur cadre de travail.

Quelques chiffres donc (d’après le Café pédagogique, sources : OCDE, études ministérielles).

 Les enseignants devraient-ils travailler plus ?

Lançons une première affirmation : il est ridicule de demander aux enseignants de travailler 35 heures par semaine : ils en font déjà 40.

Le travail des enseignants est très officiellement évalué par le ministère. Une enquête ministérielle a établi qu’un enseignant du secondaire travaille en moyenne 39 h 47 par semaine dont 20 h 27 hors de la présence des élèves. Il consacre en moyenne 7 h 40 par semaine à la préparation des cours, 6 h 10 à la correction de devoirs, 2 heures aux contacts avec les parents et les élèves, 2 h 17 en documentation. Plus de la moitié de ce temps (13 h 25) est passé au domicile. Evidemment ces données varient selon la discipline enseignée dans une fourchette qui va de 35 h 30 à 42 h 55 hebdomadaires.

La question de faire travailler les enseignants 35 heures par semaine est absurde : les professeurs dépassent déjà largement cet horaire. On peut même ajouter qu’alors que toutes les catégories de salariés ont connu une baisse sensible de leur temps de travail, le leur est resté inchangé.

 Les enseignants français sont-ils bien (trop) payés ?

Si les salaires enseignants ne sont pas les plus bas, ils ont connu une baisse réelle de 2% de 2003 à 2004.

Ils sont aussi, en France, parmi les plus bas des pays de l’Ocde (20e rang sur 30). Selon l’Ocde, le salaire brut de mi-carrière d’un enseignant français dépasse à peine 30.000 dollars contre 45.000 aux Etats-Unis, 50.000 en Allemagne, 80.000 au Luxembourg.

La perspective pour 2007 est pire encore puisque en réduisant les décharges horaires de 10%, le gouvernement vise à récupérer en moyenne 1.480 euros par an sur le dos d’environ 30.000 enseignants, selon les données mêmes de l’audit ministériel.

Tout cela nous autorise à dire qu’une grande partie du débat actuel est tout simplement indigne. Il est honteux de donner à entendre que les professeurs sont paresseux. Il est scélérat d’insinuer qu’ils se sucrent sur le dos des familles. Il est inadmissible de faire des professeurs les boucs émissaires des difficultés financières de l’Etat.

 L’enseignement secondaire coûte-il trop cher ?

Depuis deux ans, c’est devenu une rengaine à la mode : la France dépense trop pour ses collèges et lycées et pas assez pour ses universités.

Effectivement, l’Ocde a calculé que les dépenses cumulées pour la durée des études primaires et secondaires se montent à 85.084 dollars en France contre 77.204 pour la moyenne des pays de l’Ocde. On dépense en France en moyenne 7.807 dollars par élève contre 6.827 pour la moyenne Ocde. Le système éducatif paraît donc « riche », voir « gras » par rapport à ceux des voisins.

Pourtant ces arguments comptables n’emportent pas l’adhésion. L’analyse plus fine des statistiques montre que la situation est plus complexe qu’elle ne paraît. Certes le budget de l’éducation nationale est passé de 55 à 65 milliards d’euros de 2000 à 2005. Mais cette hausse correspond à un simple maintien en terme de PIB (à 3,9% du PIB).

La dépense intérieure d’éducation en France, après avoir progressé dans les années 1990, est même orientée à la baisse depuis 1998. Elle est passée de 7,6% du PIB à 7,2% en 2005. De même pourra-t-on remarquer que si la moyenne de l’Ocde monte à 77.204 $ par élève, elle dépasse les 100.000 $ aux Etats-Unis, au Danemark, en Norvège, au Luxembourg, en Italie etc.

Mais, de toute façon, la productivité de l’éducation ne peut pas progresser avec le taux de scolarisation comme le souhaiteraient quelques commissaires aux comptes. Au fur et à mesure des progrès de la scolarisation, il faut mettre de plus en plus de moyens pour faire réussir les élèves qui restent en échec. Refuser de voir cette réalité c’est accepter de laisser tomber les élèves de milieu défavorisé.