Critique du Livret Scolaire Unique Numérique. Le LSN.

mardi 13 décembre 2016


C’était une des nouveautés de la rentrée 2016 : les livrets scolaires de l’école élémentaire et du collège évoluent pour ne plus former qu’un livret scolaire commun pour la scolarité obligatoire. Le livret est numérisé dans une application informatique nationale dénommée « livret scolaire unique du CP à la troisième » qui devrait être disponible à la rentrée. Eduscol met même en ligne des tutoriels pour découvrir cette application !!!
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 Vers la fin de la notation chiffrée ?

Le but est de remplacer les notes chiffrées et de développer l’évaluation par compétences. Ainsi dès le premier trimestre, pour les conseils de classe, dans certains établissements, les enseignants/-tes doivent remplir une fiche pour chaque élève précisant les compétences acquises, en cours d’accomplissement ou non acquises. Autre mesure pour faire mieux passer les compétences : la fin des doublements.

Ces évolutions s’annoncent aussi pour le lycée dans l’objectif de mettre un terme au baccalauréat sous sa forme actuelle : remplacer les diplômes « à vie » par des certificats temporaires et payants du type TOFL, TOEIC…

01 Image : livret ouvrier

 Un outil d’évaluation plus simple pour communiquer ?

Ce LSUN est censé répondre, d’après le ministère, à la nécessité de simplifier les outils de suivi des élèves en les uniformisant sur l’ensemble du territoire pour les rendre plus lisibles et accessibles aux familles, qui pourraient ainsi enfin comprendre ce que font leurs enfants à l’école et ce sur quoi ils sont évalués. Ce LSUN regroupe deux éléments distincts qui sont néanmoins indissociables : le Livret Personnel de Compétences (les bulletins de fin de cycle) et les bulletins scolaires périodiques (trimestriels ou bi trimestriels). Le LSN regroupe un peu plus d’une quarantaine d’items regroupés en 7 ou 8 domaines. Les bulletins scolaires périodiques regroupent les différentes compétences et « sous-compétences » travaillées correspondant aux différents domaines répertoriés dans les programmes officiels.

Ce document ne sera pas plus simple à déchiffrer pour les familles.

 Ces pratiques uniformes et formatées permettront-elles aux élèves de progresser ?

Le nombre très important d’items renvoie à une vision morcelée des apprentissages qui ne permet pas d’aider les élèves à progresser et n’aide pas à donner du sens aux apprentissages. Il s’agit de cocher des cases pour vérifier si l’école remplit bien sa mission.
Ce LSUN n’est pas un outil de bilan qui ferait état des progrès et évolutions des élèves mais une « attestation » de mise en conformité des enseignant-e-s avec les programmes.

 Tous et toutes y auront-ils/elles accès ?

Si les outils numériques sont largement répandus, leur usage reste très inégalitaire. Ce sont les familles les plus socialement fragiles qui seront pénalisées.
Le LSUN, comme c’est déjà le cas pour l’accès aux espaces numériques types Scolinfo, Ecole Directe ou Scolweb…, va accentuer les inégalités et creuser encore un peu plus les écarts entre les familles qui ont une haute maîtrise des outils numériques et celles qui ne l’ont pas.

 Un casier scolaire est-il constitué ?

Le LSUN s’inscrit dans la même logique que le LPC (Livret Personnel de Compétences). Mais en bien pire, puisqu’il intègre dans une même application le livret de compétences du socle commun, les bulletins périodiques des élèves, les différents parcours et attestations, mais aussi des éléments de suivi des élèves en difficulté (Plan d’Accompagnement Personnalisé, Programme Personnalisé de Réussite Educative, suivi RASED) ou à besoins particuliers (ULIS, UPE2A, …). Il participe de la constitution d’un véritable casier scolaire, au service de la normalisation et du profilage des élèves afin de trier les élèves en leur attribuant une place dans la hiérarchie sociale, justifiant ainsi les inégalités.

Pour le Sundep Solidaires, c’est totalement inacceptable et parfaitement révélateur d’une volonté d’instrumentaliser l’école pour formater les élèves selon des critères d’employabilité et de traçabilité définis par le patronat. C’est d’ailleurs pour ces raisons que le MEDEF s’est réjoui de la mise en œuvre du LSUN

 Les données seront-elles sécurisées ?

Le ministère affirme que les données regroupées dans cette application numérique ne pourront être accessibles qu’aux familles. C’est faux car celles-ci seront regroupées avec l’ensemble des applications qu’utilise déjà l’Education Nationale par exemple comme au sein de la base élèves dans le 1er degré. Ces données pourront donc être diffusées, partagées et utilisées car elles pourront être extraites, croisées, alimentées, lues et exploitées par différent-e-s utilisateurs/trices,
C’est ce que prévoit par exemple l’article 48 de la loi sur les « Droits des étrangers en France » adoptée en mars 2016 qui instaure un dispositif de contrôle permettant aux préfectures, dans le cadre de l’examen des demandes de titre de séjour, d’accéder aux informations détenues par les établissements scolaires.

 Est-ce un instrument de fichage ?

Le stockage des données est centralisé mais leur transit est insuffisamment sécurisé. Par ailleurs, si le ministère met en avant « un droit à l’oubli » avec l’effacement des données un an après la fin de la Troisième, aucun dispositif concret n’a été prévu pour le rendre effectif. L’absence de pérennisation des données au-delà de la Troisième n’est donc absolument pas garantie. Ce fichier pourrait durer, comme le faisait le Livret d’Ouvrier, dans le cadre de « la formation tout au long de la vie ». Une fois de plus un fichier est créé sans envisager ce qu’il deviendrait dans le cadre d’un fichage massif des citoyens.

C’est pourquoi le Sundep Solidaires considère que ce livret scolaire est un nouvel instrument de fichage

 Une surcharge de travail pour les enseignant-e-s ?

Les enseignants/tes doivent constamment se réorganiser dans l’exercice de leurs missions. Ainsi la mise en œuvre de ce LSUN constitue une surcharge de travail. Comment les enseignants /tes sont-ils/elles formées pour remplir ces livrets ? Quel outil numérique sera-t-il mis à leur disposition ? Le leur, comme la plupart du temps ? Certains/nes d’entre nous se souviennent des tests d’évaluation CE2, 6e et Seconde de la loi dite « Jospin », expérience menée pendant plus de seize ans. Quel a été l’apport pédagogique de cette expérience ? Beaucoup de travail et encore rappelons qu’il ne s’agissait seulement que d’une évaluation diagnostique en début d’année !
Ce LSUN imposera en plus aux personnels des opérations de saisie fastidieuses tout en restreignant la liberté pédagogique et en obligeant les enseignants/tes à utiliser un outil sans pouvoir en questionner le sens et l’usage. Sous couvert de simplification des tâches, il s’agit d’uniformiser les pratiques pour mieux les contrôler.

  Le Sundep Solidaires revendique donc :

  • une évaluation dans un cadre pédagogique sans fichage de l’élève,
  • une réduction du temps d’enseignement pour permettre un travail collectif sur l’évaluation,
  • des diplômes valables « à vie »,
  • l’abrogation du Livret Scolaire Numérique.