Main basse sur la formation des enseignants du privé sous contrat

dimanche 7 septembre 2014


Le décret du 18 juin 2014 qui fixe les règles de la formation des stagiaires exclut explicitement les enseignants du privé sous contrat. Une fois de plus, Formiris met la main sur la formation des maîtres.

Main basse sur la formation des enseignants du privé sous contrat

Les enseignants du privé sous contrat ont un statut très particulier. D’une part, ils sont agents de la Fonction publique, rémunérés par l’état sur les mêmes grilles que les enseignants du public et tenus de respecter les programmes officiels du ministère de l’éducation nationale : d’’autre part, ils doivent avoir l’accord d’un chef d’établissement pour être affectés sur un poste. Dès 2004, le SUNDEP dénonçait la loi Censi qui allait « institutionnaliser » les ambiguïtés.

Jusqu’à présent, la formation professionnelle initiale (pour les stagiaires reçus aux concours) et la formation continue (qui résulte de l’article 3 de la loi Debré modifiée par la loi Guermeur de 1977) étaient un mélange de structures publiques (IUFM [institut universitaire de formation des maîtres] et PAF [plan académique de formation]) et de structures privées (Formiris, ISFEC...).

La loi sur la « refondation de l’école » se traduit par une séparation encore plus nette des deux systèmes, en instaurant une formation spécifique aux enseignants du privé sous contrat alors qu’ils sont soumis aux mêmes obligations pédagogiques que leurs collègues du public. En effet, les enseignants du privé sous contrat sont exclus des ÉSPÉ (écoles supérieures du professorat et de l’éducation), nouvelles structures qui remplacent les IUFM depuis la rentrée 2013.

Depuis cette date, Formiris, qui regroupe l’UNAPEC et les ARPEC a le monopole de la formation initiale de tous les enseignants du privé, qu’ils enseignent dans l’enseignement catholique (92 % des établissements scolaires privés sous contrat), ou dans les autres réseaux (juif, protestant, arménien, musulman, non confessionnel ...).

Ainsi avec les fonds publics reçus, Formiris financera des formations ISFEC spécifiques à l’enseignement privé sans aucun contrôle de l’État sur l’utilisation des fonds et sans contrôle du contenu des enseignements dispensés, alors même que les enseignants du privé sous contrat sont des agents de droit public. Des dérives (non-respect de la laïcité et de la neutralité politique) ont été à l’origine de heurts entre intervenants et étudiants notamment à l’université catholique d’Angers.

Deux systèmes coexisteront au sein même de l’Éducation nationale.
 Pour les enseignants du public : l’ÉSPÉ. Après une année de transition, le nouveau dispositif de recrutement se met en place : recrutement par concours en fin de M1 (master 1), suivi d’une année de stage avec un mi-temps d’enseignement, une formation professionnelle et la validation du M2 MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation). La titularisation intervient à l’issue de cette année.
 Pour les enseignants du privé sous contrat : FORMIRIS. Le décret ministériel précise que les enseignants du privé sous contrat n’ont pas accès aux ÉSPÉ. Les maîtres doivent suivre la formation imposée par FORMIRIS, qui est la seule formation privée habilitée pour cette formation professionnelle obligatoire. Pour la validation du M2, les universités catholiques ont aussi développé leur filière, qui est fortement conseillée pour être contractualisé dans le privé.

NB : à la rentrée universitaire 2014, l’arrêté du 27 août 2013 sur les formations au sein des masters « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) est applicable aux étudiants inscrits en deuxième année du master MEEF.

Depuis 2007, les différents gouvernements ont massivement supprimé des postes et des moyens pour les programmes de formation académiques, pour tous les professeurs du privé et du public, afin de réaliser des économies.

Les professeurs du privé ont de plus en plus de mal à obtenir des formations : inscription prioritaire des professeurs du public au PAF selon les académies, non-remplacement des professeurs en stage … De plus, alors que ces enseignants sont agents de l’état et peuvent assister à des formations de l’enseignement public, les formations assurées par FORMIRIS sont financées sur un budget attribué parcimonieusement à l’établissement par FORMIRIS et doivent être soumises à consultation du comité d’entreprise. Tout est fait pour limiter l’accès aux formations.

Enfin, alors que le gouvernement annonce la rigueur pour tous (gel du point d’indice de la Fonction publique, gel des retraites, baisses des prestations sociales, augmentation d’impôts …) FORMIRIS profite des subventions de l’état, sans aucun contrôle sur l’utilisation de ces fonds … Jamais le ministère de l’éducation nationale n’a été aussi généreux avec l’enseignement catholique : une cinquantaine de millions d’euros de subventions pour la formation des stagiaires, à la place des ÉSPÉ, répartis entre Formiris, l’ICP (institut catholique de Paris), les universités catholiques de Lyon, Angers, Lille et Toulouse … Pour la formation continue des maîtres du privé, alors qu’il y a de moins en moins de formations, les subventions dépasseraient les 30 millions d’euros pour le seul FORMIRIS.

Théoriquement, les fonds publics affectés à la formation continue des personnels des établissements sous contrat doivent correspondre proportionnellement aux fonds affectés par l’État à la formation de ses propres personnels. Actuellement, aucune règle rigoureuse de comparaison n’a pu être établie, et dans les faits, la subvention est augmentée chaque année d’un pourcentage dont seul le ministère de l’Éducation nationale a la maîtrise.

C’est un véritable scandale financier qui a lieu dans une totale indifférence de la plupart des syndicats. Cet argent doit servir à une formation de qualité tant pour les enseignants du public que pour ceux du privé.

En tant qu’agents de la fonction publique, la formation des enseignants du privé sous contrat devrait être prise en charge par les rectorats, à la place de FORMIRIS. Les ÉSPÉ devraient être ouvertes à tous les stagiaires du privé sous contrat qui le souhaitent.

Dans nos établissements, il ne faut pas hésiter à demander au comité d’entreprise le montant des sommes utilisées pour la formation des professeurs et l’utilisation de ces sommes.

Il faut aussi encourager les collègues à prendre des congés de formation. En particulier, les maîtres délégués qui sont les moins bien formés peuvent demander un congé de formation professionnelle. Trop peu de demandes sont adressées chaque année au rectorat. La rémunération de ce congé (85 % du salaire brut) explique sans doute le manque d’attractivité de ce congé qui est idéal pour préparer un concours. Les élus SUNDEP à la CCMA suivront les dossiers des maîtres qui demanderont ce congé.

Tous les enseignants ont droit à une véritable formation, de qualité, tout au long de leur carrière.