Pourquoi la grève des cheminot(e)s

mercredi 18 juin 2014


On entend sur tous les tons et dans la plupart des media crier au scandale, à la prise en otage, au corporatisme de certains syndicats, voire leur violence etc ...Aucune analyse n’est faite concernant les revendications que portent les organisations en grève.

Rappelons aussi que CGT plus Sud Rail représentent 53 % des cheminots alors que UNSA plus CFDT avec qui l’accord a été signé représentent 38% à elles deux !

« Le projet de « réforme » du gouvernement ne réunifie pas le système ferroviaire, mais représente un pas important vers la privatisation, tout en ne réglant aucun des problèmes soulevés à juste raison :

● Les circulations seront toujours assurées par une entité distincte de celle s’occupant des infrastructures, un problème comme celui des rames trop larges pour les quais pourra se reproduire.

● La dette abusive imputée au système ferroviaire public reste et incitera toujours à des péages plus élevés (plus du tiers du billet) ainsi qu’aux économies d’entretien du réseau dont 3 500 km de voies sont circulées au ralenti par sécurité, et que ce mauvais état engendre retards et mauvaise qualité du voyage ;

● La casse de l’entreprise publique orchestrée par Guillaume Pépy est confortée par le gouvernement : suppression de dessertes, suppressions d’emplois notamment dans les gares et dans les trains, sous-traitance et filialisation accrues, fragmentation des services SNCF totalement absurde, attaques contre les droits sociaux, etc.

Pire, cette réforme accélère la privatisation :

l’Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC) gestionnaire, SNCF Réseau sera un « super-RFF » (actuel Réseau ferré de France) qui va récupérer 50 000 cheminots afin, non seulement s’occuper des infrastructures avec les agents chargés d’entretenir et de surveiller les voies, mais aussi de la circulation et de la régulation des trains. Ce « super-RFF » décidera de la répartition des sillons (portion de voie attribuée à un moment précis pour aller d’un endroit à un autre) entre les différents opérateurs ferroviaires (SNCF et entreprises privées), du montant des péages, de la gestion des gares d’intérêt national.

la SNCF actuelle sera transformée en « établissement ferroviaire SNCF » devenu simple opérateur de transport ferroviaire dont les activités seront davantage soumises à la concurrence (après le fret et le voyageur international, ce sera en 2019 le voyageur national et régional).
L’opérateur perdra encore des trafics, notamment lorsque les Conseils Régionaux lanceront des appels d’offres pour les TER. Ensuite, se constituera un monopole mais privé, qui pressurera les voyageurs … et les Conseils régionaux ! _ _ Le gouvernement affirme que l’unicité du groupe ferroviaire sera garantie par un établissement-mère chapeautant les 2 autres, mais son rôle sera réduit à la politique des ressources humaines et de formation pour l’ensemble des personnels. L’exemple belge montre que l’établissement de tête n’est qu’un alibi très temporaire pour tenter de faire passer l’éclatement.

Une 4e entité, l’autorité de régulation (ARAF) renforcée, surveillera l’ensemble et arbitrera les conflits d’intérêts, avec l’appui d’un Haut-Comité, créé pour veiller au « respect des intérêts des différentes parties et divers opérateurs ferroviaires », c’est-à-dire pour organiser la privatisation du secteur pour le plus grand intérêt des actionnaires des entreprises privées.
Nous connaissons des montages de ce type, ils existent ailleurs et ont été accompagnés de privatisations, et de règles concurrentielles amenant suppressions d’emplois et opacité dans les tarifs et les services rendus (télécoms, distribution du gaz et de l’électricité).
Alors que le train représente pour beaucoup un moyen de se rendre à son travail, et aussi un moyen de voyager souvent beaucoup trop cher, il est important que les personnels concernés mettent en lumière les mécanismes réels derrière les formules qui se veulent rassurantes.

Les fédérations de cheminot-es ont raison de revendiquer une réelle réunification de l’ensemble du système ferroviaire public autour de la SNCF, la reprise de la dette et le financement des travaux de régénération par des ressources nouvelles, un programme législatif pour un report modal massif des transports de marchandises et de voyageurs de la route vers des modes alternatifs plus propres comme le rail. La fédération SUD-Rail revendique aussi le maintien du Statut et de la réglementation du travail SNCF, leur amélioration et leur extension à tous les salariés du secteur ferroviaire.

Les organisations syndicales CGT et SUD-Rail ont eu raison d’appeler à la grève illimitée à partir de mardi 10 juin. Pour la défense des services publics, et un meilleur service pour le public, soutenons la lutte des cheminot-es !

Paris, le 13 juin 2014

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